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Marie Cazin (1844-1924) – peintre et sculptrice intimiste

Marie Clarisse Marguerite Guillet naît le 19 septembre 1844 à Paimbœuf, dans une famille d’artistes. Son père Louis Claude Aristide Guillet est peintre et dessinateur, et sa mère Clarice Marie Brault peint également. Marie Cazin est tout d’abord élève de Juliette Peyrol (1830-1891), la sœur de la fameuse Rosa Bonheur (1822-1899), à l’École de dessin de Paris, puis elle suit les cours du peintre Jean-Charles Cazin (1841-1901), qu’elle épouse finalement en 1868.

Le mariage avec un artiste connu facilite l’accès aux Salons, limite les critiques et renforce le mécénat de la bourgeoisie. De cette union, naît Michel Cazin, peintre et graveur. Après la mort de son mari Jean-Charles Cazin en 1901, elle quitte progressivement Paris pour revenir à Equihen dans la grande maison-atelier perchée sur la falaise (disparue lors de la Seconde guerre mondiale) : « Marie Cazin, ayant gardé son originalité propre auprès de son illustre mari, désirerait avoir les moyens de renoncer à son atelier de Paris pour s’installer définitivement à Equihen où l’existence est moins dispendieuse qu’à Paris« . (Léonce Bénédite).

À partir de 1876, Marie Cazin fait ses débuts au Salon des Artistes français en tant qu’artiste peintre. Elle présente initialement des paysages, des études d’animaux et des figures, notamment des œuvres telles que Étang de Picardie (1876), Village de pêcheurs (1877), Ânes en liberté (1880), et Convalescence (1886). Par la suite, à partir de 1882 avec Tristesse, l’artiste se tourne vers la sculpture, travaillant avec divers matériaux tels que le bronze, le plâtre et le grès coloré. En 1883, elle expose un buste en bronze grandeur nature intitulé David. Son œuvre la plus célèbre, Les Jeunes filles, un groupe en bronze, est dévoilée en 1886 et acquise par l’État en 1899, pour être conservée au musée du Luxembourg à Paris. Elle crée également le buste en bronze La Fortune en 1883.

À partir de 1890, elle présente ses créations au Salon de la Société nationale des Beaux-arts, devenant sociétaire en 1891, ce qui témoigne de la reconnaissance de son statut professionnel. Parmi ses expositions notables figurent La Science et la Charité (1893, groupe en bronze) et une statue de Jean-Charles Cazin (1904). Elle prévoit également de réaliser un monument intitulé La Nature en hommage à son mari, décédé brutalement en 1901.

Les œuvres artistiques de Marie Cazin, réalisées de manière régulière entre 1876 et 1914, reflètent l’influence de ses engagements sociaux entrelacés avec sa vie personnelle. Plusieurs de ses créations mettent en évidence sa préoccupation pour la condition des femmes dans leurs rôles les plus modestes. Parmi celles-ci, on peut citer les tableaux Oubliées montrant deux pauvres femmes et leur enfant posés sur un banc (musée de Tours, 1890), Femme de Marin (bronze, musée d’Orsay) et Vie obscure (1901), ainsi que les bas-reliefs en bronze (1893) intitulés L’Étude et La Charité (ou Visite à l’accouchée).

En tant que belle-sœur du docteur Henri Cazin, un spécialiste des maladies osseuses infantiles, elle est également l’auteure du Monument aux docteurs Cazin et Perrochaud à Berck (1893), représentant la Science et la Charité soignant un jeune garçon. En raison de ses liens avec les familles Adam et Perrochaud, elle a également créé des monuments destinés aux sépultures de ces familles à Outreau et Boulogne-sur-Mer. Pour honorer la mémoire de son mari, elle réalise plusieurs bustes et statues le représentant, ainsi qu’un ensemble monumental érigé sur sa tombe au cimetière de Bormes-les-Mimosas, dans le Var.

« Mme Marie Cazin — qui sculpte comme elle peint, avec un grand charme de rêverie et d’intimité — expose un groupe en bronze : la Science et la Charité, complété par un bas-relief également en bronze : les Enfants de l’hôpital de Berck. Ces deux ouvrages, qui font partie d’un monument élevé par souscription à la mémoire des docteurs H. Cazin et P. Perrochaud, seront très remarqués. » (Le Rappel, 1893).

Marie Cazin s’éteint à Equihen en 1924.

Auteur : Yann Gobert-Sergent

Boulogne-sur-Mer – un siècle de vues portuaires

Boulogne-sur-Mer a inspiré de nombreux artistes, amoureux de ses falaises et de son chenal. On trouve des gravures, parfois colorisées, montrant la côte et les abords de la ville dès le Moyen-Age. Il faut attendre Nicolas Ozanne (1828-1811) et sa Vue de Boulogne prise de la jetée du Pidou, commandée par le roi Louis XV en 1776, pour avoir une première vue complète de la ville portuaire et de ses activités : la pêche, la construction navale et surtout la contrebande avec les Anglais (smogglage), représentée à travers cette barque figurée au premier-plan.

Plus tard, après les guerres de Révolution et l’épopée napoléonienne, le port de Boulogne se relève doucement. Les infrastructures portuaires sont alors vraiment réduites à la portion congrue. Aussi, il est courant de voir les bateaux de pêche s’échouer à l’entrée du havre pour vendre le produit de leurs pêches directement sur l’estran. Richard Parkes Bonington (1802-1828), adepte de la lumière et influencé par Turner, traduit cette belle ambiance dans ce Marché aux Poissons à Boulogne de 1823 (musée du Connecticut).

Dans son Inauguration de la ligne Boulogne-Folkestone, août 1843, la peintre Julie Gobert (1815-1859) livre un large panorama de la ville portuaire sous le Second Empire. Au-delà des qualités picturales maîtrisées qui lui permettent de figurer au Salon de Paris, Julie Gobert montre les équipements portuaires et les principaux bâtiments de la ville. Les deux jetées sont construites et permettent, enfin, aux navires d’atterrir à Boulogne en toute quiétude. A gauche, nanti de ses colonnes alignées telles un temple grec, l’établissement des bains confirme l’engouement croissant des Anglais et de la bourgeoisie pour les bains de mer.

Quinze années plus tard, Edouard Manet (1832-1883) est de passage à Boulogne. Il fréquente souvent la Côte d’Opale l’été, en famille, en passant par Berck et Boulogne, où il peint son fameux Balcon montrant Berthe Morisot et Antoine Guillemet. Dans Le départ du vapeur Folkestone de 1869 (musée de Philadelphie), Edouard Manet décrit son embarquement à Boulogne à bord d’un steamer, un petit paquebot équipé de roues à aubes, pour passer quelques jours outre-Manche. Il représente à gauche, en robe de crinoline blanche, protégée d’une ombrelle, Suzanne sa compagne bien-aimée.

Dans les années 1890, les deux activités maritimes boulonnaises sont bien installées. Les pêches, notamment celle du hareng, occupent une foule de navires à voile, garés le long du quai, surplombé par l’église Saint-Pierre, paroisse des marins. Dans Le port de Boulogne, Augustin Marcotte de Quivrières (1853-1907), fraîchement nommé Peintre officiel de la Marine, livre également l’autre grande animation du port : le trafic transmanche. Arborant fièrement ses deux cheminées blanches, un steamer attend ses passagers massés sur le quai pour traverser la Manche. En cinquante ans, le nombre de touristes anglais venant en villégiature à Boulogne a été multiplié par cinq, avec près de 150.000 visiteurs chaque année pour l’établissement des bains et son casino.

Auteur : Yann Gobert-Sergent

Vicente Gil Franco (1898-1959) – maîtriser le feu et exalter la couleur, l’œuvre céramique

Vicente Gil Franco est né le 25 février 1898 à Barcelone, d’une famille de commerçants en fruits. Il reçoit une solide formation artistique à l’École Libre des Beaux-Arts de Valence, puis dès 1910 à celle de Barcelone, notamment en sculpture. Orphelin de père, il quitte l’Espagne pour la France en 1918, et travaille comme saisonnier vendangeur en Roussillon. Il s’installe ensuite à Paris puis dans le Nord, où il devient marbrier. En octobre 1925, il rencontre à Lille un étudiant en médecine, Robert Vrasse, qui va le soutenir dans ses projets artistiques futurs. Grâce à Robert Vrasse, Vicente Gil Franco découvre Boulogne et Équihen (juillet 1926), où il décide de s’installer (octobre 1926). Dix années difficiles s’annoncent, marquées par la barrière de la langue et la difficulté de vendre son art. A cette époque, il se lie d’amitié avec l’autre chantre de la Marine boulonnaise, le peintre Georges Griois (1872-1944). Vers 1928, la faïencerie d’art Fourmaintraux lui commande ses premières maquettes de statuettes.

Dès 1936, la guerre civile espagnole l’oblige à repartir en Espagne pour y soutenir la république. Deux ans plus tard, l’arrivée de la dictature force son retour à Boulogne. Lors d’une exposition de céramiques donnée en 1939, il rencontre sa future femme. Mais en mai 1940, lors d’un bombardement, sa maison et une grande partie de son œuvre sont détruites. Réfugié à Rodez puis à Paris, Gil Franco ne revient à Boulogne qu’en 1947. Il retrouve une ville anéantie, défigurée à jamais. Malgré tout, l’artiste se remet à la tâche et produit des œuvres toujours plus modernes et abouties, huiles, dessins, gouaches et céramiques, montrant un monde maritime boulonnais finissant. Reconnu de tous, sollicité par la ville et l’État, il ouvre en 1957 la « Rose des Vents« , sa boutique tutélaire installée rue Gustave Charpentier, qui présente et vend son travail. Ce bonheur s’avère trop fugace, Vicente Gil Franco meurt le 6 novembre 1959 d’une embolie, au sommet de son art.

Son œuvre, immense, tant par la quantité des sujets créés que par la diversité des supports, marque profondément Boulogne et ses gens de mer. Cette diversité et cette inventivité se retrouvent également dans sa sculpture. Si Gil franco s’oppose au Naturalisme de l’art officiel, à l’instar des terres-cuites d’Eugène Blot qui l’a précédé, il s’inscrit pleinement dans la lignée du mouvement Expressionniste, initié par Auguste Rodin, chantre de la liberté des formes. Les céramiques de Gil Franco, réalisées dans l’atelier Fourmaintraux à Desvres puis à l’abbaye de Wisques, nous le rappellent de la plus belle des manières.

Déjà, dès la fin des années 1920, Gil Franco propose au public, en marge de ses dessins et autres huiles, de petites sculptures boulonnaises. Il participe d’ailleurs à la 36ème Exposition des Artistes Lillois, installée au Palais Rameau, du 20 avril au 13 mai 1929. Huit œuvres y sont présentées dont « Quai de Boulogne » et « Équihen« , accompagnées d’autres huiles et dessins … Mais surtout, trois sculptures sont exposées : « Pêcheurs de Crevettes« , « Matelote » et « Matelot« . Le catalogue ne fournit pas de clichés de ces figurines, mais elles sont probablement déjà issues d’une production amorcée dans la faïencerie de Gabriel Fourmaintraux à Desvres. L’année suivante, Gil Franco participe à la 37ème Exposition des Artistes Lillois. Seule « Procession à Équihen » (peinture) est portée aux cimaises du 10 mai au 2 juin 1930. Il est vrai que l’artiste peine à trouver sa place parmi tous ces exposants, au demeurant bien installés et à l’art souvent déjà entendu. Aux côtés du vieillissant peintre Paul Hallez, président de la manifestation, et actif depuis près de 40 ans, Vicente Gil Franco apparaît alors comme une véritable curiosité artistique, une attraction convenue pour le public lillois. A cette époque, aux côtés de son œuvre peint, ces premières petites statuettes sont mises en vente chez Berthou, bijoutier boulonnais installé rue Faidherbe.

Dans ces mêmes années, le sculpteur se confronte également à la matière brute. Dès 1928, il réalise une série de plats de cuivre repoussé, martelé et ciselé, qui demandent beaucoup d’énergie et de charisme. L’artiste travaille aussi la pierre, support qui rend si vivants, réalistes et authentiques les visages burinés des gens de mer. Il est vrai que le granit se trouve facilement et coûte bien peu cher pour un artiste encore débutant. Lors de l’exposition donnée en hommage à l’artiste, tenue au musée de Boulogne puis au casino, de mai à août 1970, les organisateurs y présentent trois sculptures réalisées sur pierre dans ces années 1930 : « Porteloise« , « Équihennoise« , et « Groupe de Marins« . Production très limitée certes, mais support tellement moderne et pittoresque à la fois, ces sculptures nées de rochers marins s’inscrivent dans un art moderne naissant. L’artiste travaillera également l’azobé, bois très dur utilisé dans la Marine, afin de réaliser d’imposants sujets notamment « La Relève des Filets« , monumental groupe de marins. Mais c’est surtout de la rencontre entre Vicente Gil Franco et les faïenceries Fourmaintraux, que va naître la production céramiste la plus épanouie de l’artiste, multipliant les différents sujets et thèmes.

Très ancienne, la maison Fourmaintraux compte une dizaine de générations de potiers, établis depuis la fin du 17ème siècle. Habitués à travailler la glaise avec une technique assurée, les potiers successifs de la maison Fourmaintraux s’imposent à Desvres en produisant des objets décoratifs, ainsi que des carreaux de faïence. Gabriel Fourmaintraux (1886-1984) est le plus illustre représentant de cette dynastie. Après un passage à la manufacture de Sèvres (1902), il reprend la faïencerie familiale et développe les collections, en proposant une multitude de boîtes, vases, sujets, encriers et autres objets de style art Déco, puis des objets publicitaires. La faïencerie atteint alors à son apogée, et c’est dans ces conditions favorables que les ateliers accueillent d’autres créateurs à l’instar de Vicente Gil Franco et de René Delarue. Dès la fin des années 1930 et jusqu’au début des années 1950, malgré l’interruption provoquée par la Seconde guerre mondiale, Gil Franco dessine de nombreux modèles destinés à la faïencerie Fourmaintraux. Du plus simple au plus élaboré, de la petite plaque émaillée à la grande céramique, en passant par des objets du quotidien décorés, la production s’avère étendue. Grâce au Livre des formes de la faïencerie, où sont conservés les dessins préparatoires de tous les artistes, les créations de Vicente Gil Franco demeurent bien connues. D’après leur numérotation, ses dessins préparatoires semblent être antérieurs à mai 1940, même si nombre de céramiques sont réalisées après la guerre.

Suivant les quelques modèles primitifs produits vers 1928-1929, Gil Franco renoue donc avec Fourmaintraux au milieu des années 1930. A cette époque, Gabriel Fourmaintraux crée une collection sous le patronyme « Cloda Mano« , contraction heureuse des prénoms de ses enfants Claude et Françoise. De consonance sud-américaine, très à la mode dans l’ambiance Art Déco, « Cloda Mano » décline surtout des sujets animaliers, en faïences craquelées ou décorées. Gil Franco s’inscrit dans cette collection, mais en créant des figurines de la Marine boulonnaise. Les sujets se montrent assez « simplistes« , tant dans leur silhouette, quelque peu hiératique d’inspiration cubiste, que dans leurs coloris aux tons pastel, à la palette peu étendue, un tantinet fade. Deux sujets, particulièrement emblématiques, sont alors commercialisés. Un « Groupe de Boulonnaises » (trois Boulonnaises au Soleil, accolées sur une base triangulaire) et un « Couple de Porteloises » (deux matelotes groupées) constituent les deux seuls modèles proposés par l’artiste, sous les références 4909 et 4910 du Livre des formes. D’une hauteur de 20 cm, ces petits sujets, assez rudimentaires, n’expriment pas encore l’ampleur du talent créatif de Gil Franco.

En marge de ces statuettes, Vicente Gil Franco va également travailler la technique de l’aplat. De 1936 à 1939, la faïencerie Fourmaintraux commercialise de petites plaques décoratives rectangulaires, sculptées en creux, agrémentées du thème maritime. Les personnages et les groupes apparaissent sur un fond animé de vagues, accompagné de la silhouette d’un navire ou d’une mouette. Traitées dans des tons pastel, ces plaquettes explorent le folklore boulonnais : « Plaque à la Matelote » (6391), « Plaque aux Matelotes de Profil » (6392), « Plaque à la Matelote de Profil » (6393), « Plaque aux Porteloises à la Chapelle » (6406), « Plaque aux Matelots devant le Phare » (6407), « Plaque aux Matelots au Panier de Poissons » (6408), « Plaque au Matelot à la Pipe » (6409), « Plaque au Matelot au Panier » (6410), « Plaque aux Porteloises à la Procession » (6411). Ces petites plaques deviennent aussi prétexte à servir de couvercles pour deux boîtes à tabac : « Boîte à Cigarettes Boulonnaise » (6419) et « Boîte à Cigarettes Porteloise » (6420), très en vogue à l’époque. Enfin, la faïencerie demande à l’artiste de réaliser d’autres objets décoratifs à l’instar d’un « Pot Décoratif Sculpté » (4713), d’un « Cendrier Poisson » (4759), d’une « Corbeille de Fleurs » (4760), d’une « Coupe aux Chérubins » (4769) et d’un « Pot à Tabac » (4770). La Seconde guerre mondiale interrompt brutalement cette association naissante, et ces petits modèles sont alors abandonnés.

Après la guerre 39-45 et son retour à Boulogne en 1947, l’artiste reprend sa collaboration avec la faïencerie Fourmaintraux. Plus mature dans son œuvre, Gil Franco étend largement sa gamme et complexifie sa production. Il s’agit alors de revisiter les traditions et les métiers de la Marine boulonnaise. Pour ce faire, il propose des œuvres plus abouties, plus travaillées, plus stylisées et plus grandes aussi, afin de renouer avec un public plus large. Le cheminement, du dessin préparatoire à la céramique finale, semble immuable. Tout d’abord, Vicente Gil Franco réalise un premier croquis, qu’il enrichit et améliore, annote et précise, notamment pour la taille et les coloris. Ensuite, une fois satisfait, l’artiste réalise l’étape la plus importante. Il sculpture la « mère de moule« , c’est-à-dire le modèle unique qui va servir à créer le moule. C’est à partir de ce moule que le potier réalise la production de masse. Chaque céramique est ensuite « tirée » à 200, 300 ou 500 exemplaires, selon les modèles, pour répondre à la demande du grand public. Les figurines reçoivent une double signature à la base, dans la masse avec « GF » pour Gil Franco, et tamponnée à l’encre de « GF-Desvres-France » pour justifier la faïencerie Fourmaintraux. D’après le Livre des formes, on peut définir de grandes catégories dans cette production céramique.

Les sept premiers modèles s’attachent à témoigner de la dureté des métiers de la Marine boulonnaise : la « Porteloise » (4677), la « Boulonnaise » (4678), la « Matelote au Fichu » (4682), la « Matelote à la Cape » (4683), le « Couple de Matelotes avec Enfants » (4686), le « Galant et la Boulonnaise » (4694) ainsi que la « Marchande de Crevettes » (4695). Cher à l’artiste, ce thème se perpétue dans son œuvre céramique, pour ces modèles édités à 500 exemplaires chacun. Dans cette première réalisation, Fourmaintraux ne trahit pas l’artiste. Au premier regard, les grandes céramiques, de 25cm à 30cm de hauteur, impressionnent par leurs coloris chatoyants et la multitude de leurs détails. Parfaitement authentiques, les costumes demeurent finement détaillés, du bijou (boucles d’oreilles dites « milanos« ) à la coiffe (soleil boulonnais, coiffe courte ou fichu), du costume (châle à franges) en passant par l’outillage (manne, filet). Les visages semblent précocement marqués, taillés par des arêtes franches, parfois austères. Toujours travaillés en volume, les bras tombants organisent le mouvement et apportent le côté dynamique à l’ensemble. Enfin, le dos courbé de certains modèles retranscrit une vie de dur labeur où le travail manuel prend toute son ampleur. Dans cette première série de céramiques, au demeurant très féminines, Gil Franco s’évertue ainsi à témoigner son attachement et son admiration à l’endroit des gens de mer. Cette création est la plus connue de son œuvre céramique.

Plus tardives, d’autres figurines en céramique émaillée enrichissent l’œuvre. Bénéficiant de tirages moindres, généralement de 100 à 200 exemplaires, leurs tailles sont plus variables. Certaines atteignent une certaine ampleur, notamment quand elles sont nanties d’imposants équipements (filets, mannes, caisses) : « Porteuse d’Eau » (4762), « Matelote » (4763), « Matelot au Panier » (4764), autres « Matelote » (4765) et « Matelot » (4766), « Marchande de Poison » (6398), « Matelot sur le Quai » (6399), « Matelot au Filet » (6401), « Deux Matelots à la Manne » (6402), « Couple de Boulonnais » (6403) et « Couple à la Lanterne portant un Filet » (6405). Toutes ces œuvres, d’une grande qualité, demeurent néanmoins dans la lignée commerciale imposée par Fourmaintraux. Moins consensuelles, mais ô combien plus avant-gardistes, les céramiques produites à l’abbaye de Wisques montrent une plus grande ampleur de la qualité artistique de Vicente Gil Franco.

Durant l’hiver 1951-1952, Vicente Gil Franco s’installe à l’abbaye de Wisques. Fondée le 23 juillet 1889, l’abbaye Saint-Paul de Wisques se tourne rapidement vers des réalisations artistiques. L’abbé Dom Bellot (1876-1943) dirige un fameux cabinet d’architecture qui initie le style « Dom Bellotisme » (constructions associant brique polychrome et béton). En 1946, le Père Bouton crée les premiers modèles servant à la fabrication de céramiques, notamment des carreaux en céramique, décorés d’émaux peints à la main, reprenant l’histoire des Saints. Après une cuisson à 800 degrés, ces carreaux sont ensuite encadrés et vendus au public. L’atelier de poterie propose également des plats, pichets et autres objets décoratifs, à motifs plus profanes.

Dans cette abbaye, Gil Franco installe son atelier éphémère. Il y conçoit une série de 29 modèles pétris de sa main, reproduits en nombre très limité, de dix à une vingtaine d’exemplaires. Il réalise également quelques pièces uniques, témoin de l’étendue de son savoir-faire. Statuettes, groupes de personnages, plats circulaires et plaques ajourées composent sa création. Son cheminement artistique est immuable ; Gil Franco modèle la terre, au doigt et à la spatule. Puis, après une première cuisson, il pose l’émail en couleur et recuit l’ensemble. Technique difficile à appréhender, le résultat s’avère éblouissant : la couleur est intense et les irisations des surfaces éclatent aux yeux, tout en nuances. Presque cramoisie, aux reflets chatoyants, cette cohue chromatique exalte les personnages, amplifie la courbure des corps sous le poids des « attirails« , et renforce la dureté des visages striés par le labeur. Sous chaque sculpture, l’artiste signe et numérote son travail, au milieu des marques salutaires laissées par ses doigts façonneurs. Déjà, en décembre 1951, une première exposition de ces céramiques expérimentales est organisée à Lille, et un film, consacré à son séjour et à son atelier, y est projeté le 17 décembre par son réalisateur, le docteur Porichez. Datées de 1952, inspirées par le thème récurrent des traditions maritimes, ces 489 pièces se répartissent ainsi :

         – 4 grandes pièces uniques (groupe de personnages) dont « Retour de Pêche« , « Procession de Notre-Dame » et deux plats.

         – 5 groupes de personnages (50 exemplaires) dont « Famille Boulonnaise« , « Retour de Pêche » et « Pêcheurs Ramendant leurs Filets« .

         – 6 sujets (75 exemplaires) dont « Pêcheur et son Filet« .

         – 5 plats circulaires en céramique polychrome (115 exemplaires) aux décors lacustres, maritimes ou boulonnais dont « Assiette à l’Hippocampe« , « Plat aux Armes de la Ville de Boulogne-sur-mer« , « Plat au Pêcheur« , « Plat à décor d’un Couple de Pêcheurs et d’une Ancre » (diamètre de 22cm, 25 exemplaires).

         – 8 plaques (circulaires, carrées ou rectangulaires) en céramique polychrome (245 exemplaires) reprenant les thèmes maritimes boulonnais typiques, dont « Plaque à décor en relief de Pêcheurs » (10 exemplaires), « Plaque circulaire à décor de Navire » (25cm de diamètre), « Plaque rectangulaire à décor en bas relief de Marin et de Matelote » (15cm x 32cm, 15 exemplaires).

Au terme de cet épisode créatif, au demeurant assez éphémère, Gil Franco continue à produire des plaques ajourées, à partir de moules anciens, notamment « Boulonnaise au Soleil au Panier de Poissons » et « Marin au Filet devant son Bateau« . Celles-ci sont montrées lors d’une exposition tenue en octobre 1956 dans le hall du journal de la Voix du Nord à Boulogne. L’artiste reprend également d’anciens modèles qu’il travaille sur une gamme de coloris inédite. De grands plats sont également présentés, comme « Neptune » et « Marin Boulonnais à l’Ancre« . Le fond de ces plats apparaît mat, le relief des sujets est accusé par un trait creux, et les couleurs tendres évoquent le pastel. Dans les dernières années de sa vie, Vicente Gil Franco témoigne ainsi de sa « joie de créer des pièces nouvelles, mais aussi la difficulté de la mise au point avant d’y parvenir« . Dès 1957, dans sa boutique nommée la « Rose des Vents« , installée rue Gustave Charpentier à Boulogne-sur-mer, l’artiste produit encore une série de plats (18 cm). Assez sobres, sur un fond blanc nacré, flanqués en leur centre d’un petit motif, personnage ou animal marin, ces plats en céramique polychrome constituent les dernières faïences proposées par Gil Franco.

Plus que tout autre artiste, Vicente Gil Franco a su rendre le sentiment de fardeau, l’angoisse et la résignation de cette population laborieuse aux visages burinés. A l’instar d’un Jules Adler, chantre du monde ouvrier, Gil Franco se montre particulièrement attaché aux drames et aux difficultés du monde maritime boulonnais. Sans tomber dans un misérabilisme trop facile, cet artiste entier, à travers ses œuvres emblématiques, devient le parfait porte-parole des gens de mer et de leurs peines. Aujourd’hui, ses œuvres céramiques sont conservées au Château-musée de Boulogne-sur-Mer, au musée « A la Belle Époque de la Faïence de Desvres« , au musée de la Céramique à Desvres (« Pêcheur Ramendant son Filet« , céramique de Wisques), au Fonds National d’Art Contemporain (FNAC), et dans de nombreuses collections privées.

Artiste prolifique et Boulonnais très apprécié de son vivant, Vicente Gil Franco s’avère davantage connu pour son œuvre peint que pour son œuvre céramique. Pourtant, du succès commercial des sujets tirés de la faïencerie Fourmaintraux, à la fertilité avant-gardiste des créations de Wisques, les céramiques de Gil Franco restent aujourd’hui d’une modernité et d’une justesse, artistique et ethnographique, impressionnantes. Plus que jamais, Vicente Gil Franco demeure l’un des meilleurs et derniers représentants de l’art populaire des traditions maritimes boulonnaises. Ses céramiques polychromes participent pleinement à cette mémoire collective.

Auteur : Yann Gobert-Sergent

Paul Morchain (1876-1939) – un peintre breton sur la Côte d’Opale

Paul Bernard Morchain est né à Rochefort le 27 décembre 1876, d’une famille originaire de Cambrai. On connaît peu son enfance. Artiste délicat, Paul Morchain manifeste très jeune un goût marqué pour l’art pictural. Il suit les cours de Paul Dupuy à l’Ecole des Beaux-arts de Paris. Mais, hormis quelques conseils prodigués par Eugène Chigot lors de ses venues sur la Côte d’Opale, Paul Morchain travaille sans véritable maître. Il se partage entre la Bretagne (Douarnenez) et le Boulonnais, croquant surtout Boulogne et Equihen, notamment dans cette scène de calfatage prise à Equihen et présentée au Salon de 1910.

Paul Morchain vient à Paris pour exposer. Il débute au Salon des Artistes français en 1906, puis en 1909 obtient une mention honorable, suivie d’une médaille d’argent en 1913 et une médaille d’or en 1920. L’année suivante, il est nommé Peintre officiel de la Marine (1921). Paul Morchain devient un habitué de Douarnenez et de sa région. Il s’impose comme un peintre majeur du Pays Cornouaillais. Son style se situe dans la tradition de ces peintres locaux qui recherchent la vérité et l’atmosphère de la vie locale avec sincérité et qui rappelle l’approche et le style des peintres de Pont-Aven. Paul Morchain a su traduire avec charme tout le côté pittoresque spécial des côtes de la Manche, de la Bretagne ou des Charentes.

En 1929, il présente une rétrospective de son art à la galerie Dalpeyrat : « En ce moment, nous sommes conviés à visiter l’exposition du peintre Paul Morchain. Pour ceux qui sont sensibles aux titres, M. Paul Morchain pourrait faire état d’une très longue liste. Nous retiendrons qu’il est membre de la Société des Artistes français (hors concours) et peintre officiel du Ministère de la Marine. Ce sont des paysages marins qu’il nous a envoyés. Point d’outrances, mais la recherche des délicatesses et subtilités des atmosphères marines, un art vibrant de la vie quotidienne des ports de pêche avec leur population de marins et de barques. Un équilibre parfait de composition et de coloris, une science approfondie des gris, des gris chauds et aériens comme bien peu de peintres savent les peindre. Devant les toiles de Paul Morchain, je pense surtout à la Bretagne. Tout n’est point breton cependant. Les Quais sous la pluie à Dunkerque sont une chose très remarquable. La peinture marine tient une partie de ses charmes des variétés de coloris, des hasards de rapprochement de tons. Les voiles roses, rouges, vertes, ocres et blanches, les coques sombres incrustées de toute la lèpre de la mer, les reflets mouvants sur l’eau profonde sont autant de détails chers aux amants de la mer. Dans les derniers plans des études de M. Paul Morchain, des silhouettes de barque, vaisseaux fantômes, glissent dans la brume. Autre part, un sardinier sortant du port de La Rochelle, toutes voiles dehors avance au rythme allongé de son tangage, vibrant de lumière et de brise.

Comment ne pas remarquer Le Thonier solide sur l’eau, « culotté » par la mer et les tempêtes ?
C’est là de la bonne peinture, pittoresque et vivante ; elle le devient encore plus dans certaines études par temps gris où Paul Morchain peint avec une incontestable souplesse la brume en soie d’argent de l’océan, les forêts de mâts, l’envol des filets bleus, les quais humides et glissants de toutes les viscosités de la mer. Les marins garance, silhouettes crânes et robustes, poussent leur barque à la godille, se hissent sur le quai et grossissent les roupes où les événements de la pêche sont commentés. Ces groupes sont pleins de vie et d’animation. C’est une des raisons pour lesquelles la peinture de M. Paul Morchain est attachante et sensible. Le talent du peintre n’a d’égal que son amour de la mer et du port
. » (La Vie limousine, mars 1929).

Paul Morchain a une carrière très remplie de salons prestigieux et d’expositions dans les galeries. Il expose au Salon des Artistes français à partir de 1906, au Salon de Rouen en 1925, au Salon de Bordeaux de 1909 à sa mort, au Salon de Lyon en 1914, au Salon de Nantes en 1909, au Salon de Dijon de 1932 à 1938, ainsi qu’au Salon d’Automne en 1921-1922.

Au Salon des Artistes français, il présente notamment :

  • Le Bassin du Commerce à Boulogne-sur-Mer ; effet du soir en 1907,
  • Brumes du soir ; Boulogne-sur-Mer et Marée basse ; Boulogne-sur-Mer en 1908 (deux œuvres),
  • Retour de pêche ; Boulogne-sur-Mer en 1909,
  • Les calfats en 1910,
  • Bassin du commerce à Dunkerque ; soleil du soir en 1912.

Il accroche ses œuvres aux cimaises de la galerie Drouant à Paris en 1926, à la galerie Dujardin à Roubaix en 1928. Il expose dans la prestigieuse galerie Georges Petit à Paris en 1922, et surtout en 1927 lors d’une rétrospective avec quarante œuvres. En mars 1935 puis en février 1936, il présente un lot d’œuvres à la Nouvelle Galerie d’Art, rue Esquermoise dans le vieux-Lille, qui reçoit un bon succès.

Ses vues de Boulogne, essentiellement prises près des bassins et sur les quais, sont très bien saisies et justes, dans des gammes chromatiques lumineuses, de plus en plus modernes au fil de sa carrière.

En février 1929, il participe à la grande exposition « Les Fils de Tués » en compagnie du peintre Victor Dupont, installée à la galerie de la Palette Française sur le boulevard Haussmann à Paris. L’exposition rassemble les artistes combattants de la Première guerre mondiale, investis dans les tranchées ou « camoufleurs » pour les équipements à protéger.

Le 28 juillet 1931, alors qu’il se rend en voiture avec sa femme à Douarnenez, Paul Morchain rate un virage et fait une embardée. Son épouse, âgée de 45 ans, est gravement blessée par des éclats de verre à la gorge et succombe rapidement. Très affecté, Paul Morchain assiste à son enterrement à Douarnenez, accompagné de nombreux officiels. Paul Morchain meurt quelques années après, le 26 octobre 1939, à Rochefort.

Ses œuvres se trouvent dans de nombreux musées en France, notamment à Paris (Musée de la Marine), à Bordeaux, Rochefort et Douarnenez. Une rue porte son nom à Rochefort.

Auteur : Yann Gobert-Sergent

Quand l’art et la littérature racontent la Marine du Portel

« La Houle » par Emile Moselly, L’appel de la mer à Le Portel il y a 100 ans

La mer et ses marins de Boulogne, Equihen ou Le Portel ont souvent inspiré les artistes. Nombre de peintres et sculpteurs ont maintes fois posé leur chevalet ou leur planche de terre glaise sur l’estran, à la recherche de paysages ou de modèles. A Boulogne, Etaples ou Berck, les musées sont riches de ces témoignages maritimes. La littérature n’est pas non plus avare de romans littoraux. Il y en a un qui illustre parfaitement cet esprit « d’appel de la mer », teinté d’un élan romantique et naturaliste, qui décrit la communauté maritime boulonnaise. Trop méconnue, « La Houle », écrite en 1913 par Emile Moselly, a été superbement illustrée par sa femme Germaine après la mort de l’écrivain.

Emile Moselly est né à Paris le 12 août 1870, de parents lorrains. Les circonstances de sa naissance sont insolites, puisqu’il vient au monde à la Bibliothèque Nationale de France où son père travaille comme concierge. De son vrai nom, Emile Chénin, sa passion pour l’Est de la France occupé par l’Empire allemand le pousse à prendre un pseudonyme rappelant la Moselle. Dès 1874, Emile Moselly et sa famille s’installent à Chaudeney-sur-Moselle, petit village proche de Toul, où il passe son enfance et son adolescence. Après de solides études classiques suivies au lycée de Nancy, couronnées par la licence (1891) puis l’agrégation (1895), il devient professeur à Montauban, Orléans, ensuite Paris (lycée Voltaire) et Neuilly-sur-Seine (lycée Pasteur).

Dès 1902, il publie dans les « Cahiers de la Quinzaine » (fondés par Charles Péguy en 1901) sa première œuvre : « L’Aube Fraternelle », puis « Jean des Brebis » (1904) et « Les Retours » (1906). Ces œuvres présentent la vie de « pauvres gens, d’humbles miséreux, dans la Lorraine champêtre et rurale ». Mais surtout, au-delà de la portée littéraire, ces différents textes s’inscrivent dans un contexte nationaliste, qui accompagne les résurgences régionalistes voulues par la 3ème République. Dans l’opinion publique, il faut glorifier les régions françaises et ne pas oublier celles perdues en 1870 (Alsace et Moselle) et « occupées » depuis par le Reich allemand. Au sein d’un courant nationaliste, tous ces auteurs préparent la revanche de 1914. En 1907, Emile Moselly reçoit le Prix Goncourt pour « Jean des Brebis ». Fort de ce succès, il enchaine l’écriture d’œuvres de la même veine : « Terres Lorraines » (1907), « Joson Meunier » (1911) et « Fils de Gueux » (1912) sont de véritables poèmes de la vie rurale. Dans « Rouet d’Ivoire » et « Vie Lorraine » (tous deux publiés en 1907), il nous fait partager les belles années de son enfance au pays toulois.

Durant la première guerre mondiale, il s’installe en Bretagne où il publie notamment « Contes de Guerre pour Jean-Pierre » (1918). C’est son dernier roman publié avant sa mort brutale. A son retour de Lesconil (près de Guilvinec) pour Paris, il succombe d’une crise cardiaque dans le train entre Quimper et Lorient, le 2 octobre 1918. Temporairement déposé à Lorient, sa femme Germaine fait rapatrier son corps à Chaudeney-sur-Moselle où il est exhumé le 9 octobre 1919. En hommage à l’écrivain, la revue « Etudes Touloises » décerne chaque année un prix récompensant une nouvelle ayant pour sujet la Lorraine. Grâce à une donation familiale, les archives, manuscrits et épreuves corrigées d’Emile Moselly sont déposés à la Bibliothèque municipale de Nancy, depuis 2007.

Si Moselly passe pour être un chantre incontesté de la terre lorraine, il ne reste pas insensible au spectacle de la Nature. Tour à tour et avec autant de charme, il décrit la grande cité lyonnaise dans « Les Etudiants » (1918), les frais paysages de l’Orléanais avec « Les grenouilles dans la Mare » (parue en 1920), et enfin les grasses prairies et les blanches falaises du Boulonnais dans « La Houle » (1913).

Ecrite en 1913, juste avant les destructions irrémédiables de la Première guerre mondiale, « La Houle » raconte l’histoire des marins boulonnais et l’appel de la mer, la crainte des épouses qui restent à terre et l’envie des enfants de partir au large. L’action se situe à Le Portel au tout début du 20ème siècle. Maria Lobez, femme d’Antoine, pêcheur du village, voudrait que son fils Gédéon ne suive pas la carrière de son père, trop dangereuse à son goût. Après un éloignement forcé à la campagne, Gédéon embrasse finalement son idéal et rejoint sa destinée maritime. Au-delà de la narration, l’auteur croque un Boulonnais parfois de manière caricaturale, à l’instar des peintres qui ne choisissent qu’une fenêtre picturale et oublient le reste, mais Moselly transmet bien les traditions populaires de notre région. Si Emile Moselly pêchent parfois en écrivant quelques poncifs et en colportant quelques dires apocryphes, il dépeint d’un style léger la vie maritime boulonnaise passée, où le dur labeur des gens de mer rythme la vie de la cité.

Les bois gravés dessinés par sa femme Germaine en 1931 illustrent ce récit pittoresque.

« Dans ce village de pêcheurs, blotti au creux de la falaise, autrefois conquis par les corsaires, on voyait encore quelques belles femmes, qui avaient les pommettes saillantes, les dents en dehors, les cheveux lustrés et noirs. Maria Lobez  avait un torse souple, emprisonné dans un corset lamé de baleines épaisses, rigide comme une cuirasse. Sur son visage se retrouvait ce caractère singulier, propre à certaines familles du Nord, où l’apathie du sang flamand s’éclaire d’un coup de soleil méridional, souvenir d’une ascendance espagnole. A ses oreilles étaient suspendues, selon la mode du pays portelois, les lourdes pendeloques d’or scellées de cabochons d’émail bleu, qui effleuraient à chaque mouvement la peau de ses épaules nues, cette peau mate où le sang courait comme un frisson de soleil. Son fils allait avoir six ans. C’était un beau garçon, alerte, découplé, qui ressemblait à un pêcheur, avec sa blouse de toile brune, taillée dans un effet du mort, et son  béret de laine enfoncé sur ses yeux. Il marchait devant sa mère, sérieux déjà et se redressant, et Maria s’enorgueillissait quand on lui faisait des compliments sur la belle venue de cette jeune pousse. Il s’intéressait déjà aux choses de la mer. Souvent, il s’échappait de la maison et, dégringolant la rue qui conduisait à l’entonnoir, il restait des heures à contempler les bateaux ».

« Son homme, Antoine Lobez, était parti depuis quinze jours pour la pêche du maquereau, sur la côte d’Angleterre, bien au-delà des Shetland. C’était toujours ainsi : elle avait beau se raisonner, la crainte était plus forte. Il n’avait pas dépassé la porte, ses grosses bottes de marin sonnaient encore sur le pavé de la cour, qu’elle se dressait, prête à le rappeler, le cœur tordu d’une angoisse inexprimable. Le bateau Amour-de-Dieu était tout neuf et l’équipage était composé des meilleurs marins de la côte : six grands gaillards, sous les ordres du patron Gournay, un homme à la fois prudent et résolu. Toutes les femmes du pays, les vieilles édentées et les jeunes coquettement mises accouraient vers le petit port et, penchées sur le parapet, elles fouillaient avidement l’horizon, reconnaissant les voiles des bateaux, ces voiles qui n’étaient qu’un point blanc, une aile de mouette dans l’immensité mouvante ».

« Antoine racontait les dangers de la pêche, les sables longeant la côte anglaise, où les meilleurs pilotes n’abordaient qu’en tremblant. Il y avait aussi les escarmouches avec les garde-côtes anglais, quand on avançait hors des limites. Mais, il chassa ces idées et retrouva le sourire malin qu’il avait ébauché en entrant dans la chambre. Il alla chercher l’objet déposé derrière la porte. Son fils Gédéon, joyeux, reconnut une barque de pêche, à demi pontée, que le vieux avait taillée dans un morceau de tilleul. Rien n’y manquait, ni les voiles coupées dans un morceau de toile blanche, ni le gouvernail qu’on pouvait démonter et loger dans un encastrement pratiqué au pied du mât. Le petit Gédéon battit des mains. Et il prit la barque dans ses bras, ravi de l’ampleur du présent, amusé par les détails compliqués du gréement et de la voilure ».

« Pour sauver son fils du métier de marin, dans un sursaut de vaillance, elle abandonna la fabrique de cordages, vécut de travaux de couture et s’enferma dans son logis pour mieux surveiller l’enfant. Elle l’emmena dans les champs, loin de la mer. Ils partaient, ayant mis dans un panier quelques provisions. L’enfant tenait la jupe de sa mère, et jetait un regard vers la plage doucement lumineuse, vers le sable chaud où les autres creusaient des trous. Ils atteignaient les dernières maisons du bourg, sur la route de Boulogne. Un pays plantureux s’étendait là. Les champs de blé s’alignaient à perte de vue, et le soleil incendiait les épis, chauffait les mottes, éveillait dans la terre le crissement sans fin des grillons. Par places, un moulin à vent dessinait sur le ciel sa carcasse grêle, ses ailes immobiles, gagné par la torpeur que l’heure chaude versait sur les champs ».

« Il marcha le long des bassins de retenue, où les barques serraient leurs coques de si près, qu’à peine il entrevoyait un coin d’eau croupissante. Il regarda les bricks, les goélettes, les trois-mâts, venus de tous les pays, et s’amusa à déchiffrer leurs noms : l’Amor-de-Paimpol, Hulda-de-Bergen, Edith-de-Swansea. Des mouettes plongeaient, cherchant des détritus. On déchargeait des blocs de glace d’un steamer, revenant de Norvège. La masse énorme, agrippée par une pince de fer, montait dans l’air embrasé. Ses arêtes verdâtres jetaient des feux irisés dans le soleil, rappelant invinciblement la splendeur des glaciers croulant au bord des fjords. Comme il aurait voulu partir, visiter ces régions inconnues! Un peu plus loin, il rencontrait l’équipage d’un aviso de guerre qui stationnait dans le port. Les marins avaient de grand air avec leur barbe finement taillée en pointe et leurs cous nus dans la vareuse largement échancrée. Antoine reprit le chemin de la maison, plusieurs fois il se retourna en gravissant la côte, pour voir la grêle futaie des mâts, qui se dressait, avec la marée montante ».

« Antoine et Marie-Rose maintenant se retrouvaient tous les soirs. Ils s’étaient fait l’aveu de leur amour. Il était convenu entre eux qu’ils se confieraient à leurs familles dès que l’occasion se présenterait. Ils étaient encore bien jeunes pour se marier, mais ils attendraient et rien ne troublerait la douceur de ces premiers moments. Aucune parole définitive n’avait été prononcée. Mais Antoine savait nettement que le patron Benoît donnerait son contentement à ce mariage si le mécanicien acceptait de s’enrôler dans l’équipage. Il avait deviné cette résolution à des gestes, à des mots échappés, à des réticences soudaines, à des silences mille fois plus significatifs que toutes les déclarations. Quelquefois, ayant ôté sa courte pipe de sa bouche, il proclamait d’un ton qui n’admettait pas de réplique : chacun à sa place, les matelots avec les matelots, les terriens avec les terriens. Il fallait prendre une décision… ».

Auteur : Yann Gobert-Sergent

Philip Wilson Steer (1860-1942) – Un Impressionniste anglais sur la Côte d’Opale

Philip Wilson Steer est un peintre britannique de paysages, de marines, de portraits et d’études de figures, il est également un professeur d’art influent. Ses peintures de marines et de paysages ont fait de lui une figure de proue du mouvement impressionniste en Grande-Bretagne. Mais, après 1900, il se tourne vers un style anglais plus traditionnel, clairement influencé par John Constable et William Turner. Professeur de peinture à la Slade School of Art pendant de nombreuses années, il influence des générations de jeunes artistes.

Philip Steer est né le 28 décembre 1860 à Birkenhead, dans le Cheshire, fils d’un portraitiste et professeur d’art, Philip Steer (1810-1871). À l’âge de trois ans, la famille déménage à Whitchurch, près de Monmouth, d’où, après une période d’enseignement à domicile, il fréquente l’école de la cathédrale d’Hereford. Il devient artiste en 1878 et étudie à la Gloucester School of Art puis, de 1880 à 1881, à la South Kensington Drawing Schools. Refusé par la Royal Academy of Art, il étudie à Paris entre 1882 et 1884, d’abord à l’Académie Julian, puis à l’École des Beaux-Arts sous la direction d’Alexandre Cabanel. Il devient alors adepte de l’école impressionniste. À Paris, il est très influencé par les œuvres d’Édouard Manet et de James Whistler, ainsi que par les Impressionnistes français.

Quand il retourne en Angleterre après sa formation, il établit son atelier à Londres et produit surtout des paysages maritimes ou champêtres dans la traditions impressionnistes.

Outre les Impressionnistes français, Philip Steer est influencé par Whistler et, plus tard, par des maîtres anciens tels que François Boucher, Thomas Gainsborough, John Constable et William Turner. L’artiste est alors souvent attaqué par les critiques britanniques, conservateurs, pour ses œuvres impressionnistes telles que Plage à Boulogne. Dans les années 1890, alors qu’il s’éloigne de l’Impressionnisme français, le travail de Steer est de plus en plus apprécié. En 1887, Steer passe quelque temps à la Colonie artistique d’Etaples, où il livre des scènes de plage et des vues du pont de la Canche. Il y reste quelques années, où il croque la population locale, les paysages et des vues de Boulogne comme sa célèbre Vue du Casino en 1892. Au début des années 1890, il commence à peindre davantage à l’aquarelle.

En 1927, Philip Steer commence à perdre la vue à un œil, mais il continue à peindre, principalement à l’aquarelle plutôt qu’à l’huile. Ses compositions deviennent beaucoup plus libres, parfois presque abstraites, mais en 1940, il arrête de peindre. En 1931, il reçoit l’Ordre du Mérite.

Il meurt à Londres le 18 mars 1942. Son autoportrait fait partie de la collection de la Galerie des Offices, à Florence.

Auteur : Yann Gobert-Sergent

Elizabeth Nourse (1859-1938) – artiste précurseur de la peinture sociale

Elizabeth Nourse est née à Cincinnati le 26 octobre 1859 à Mount Healthy (Ohio), dans une famille catholique. Après des études brillantes, elle décline l’offre d’un poste d’enseignante afin de se concentrer sur son art. Orpheline dès 1882, elle part brièvement étudier à l’Art Students League of New-York. En 1883, elle revient dans l’Ohio et acquiert une première formation à l’école des arts de Cleveland. Elle gagne alors sa vie en effectuant des peintures d’intérieur et en réalisant des portraits.

Elève de Jules Lefebvre et de Gustave Boulanger à l’Académie Julian à Paris en 1887, puis en 1888, durant trois mois, elle se perfectionne avec Carolus-Duran, le célèbre maître des portraits mondains du Second Empire, originaire de Lille. L’année suivante, elle commence un périple sur la Côte d’Opale, passant à Boulogne, Le Portel, Camiers, Etaples, où elle peint jusqu’en 1891. Après des voyages en Europe, (Italie, Allemagne, …) en 1893, elle s’installe définitivement l’année suivante au 80, rue d’Assas à Paris. En 1897, elle rapporte d’Algérie et de Tunisie, notamment de Biskra, des sujets berbères colorés.

Trois mois après la fin de ses cours en art, Elizabeth Nourse débute déjà aux Salons des Artistes français en 1888 avec Une mère! (illustration ci-dessus, Cincinnati Art Museum). Puis l’année suivant, elle envoie Dans la bergerie à Barbizon et Entre voisines. A partir de 1890, jusqu’en 1914, l’artiste se consacre au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts, présente tous les ans. En 1890, pour sa première participation, elle propose : Dans la campagne, La dernière bouchée, La rue Chanoinesse (aquarelle) et La vieille cuisine fleurie (aquarelle). Les années suivantes, ce sont les sujets bretonnants et religieux qui animent son art. En 1898, sa spécialisation dans les sujets enfantins et familiaux s’affirme avec A l’abri, Dans le pré, La soif et Maternité.

En 1895, elle devient sociétaire de la Société nationale des Beaux-Arts. A ce Salon en 1903, elle présente quatre peintures et six aquarelles et pastels qui sont remarqués par la critique : des sujets bretons pour dénoncer la famine terrible qui sévit durant l’hiver 1902-1903, et la représentation de la Procession de Notre-Dame de la Joie qui a lieu le 15 août à Penmarch. Elle y revient en 1912 avec l’Eté,

Artiste complète, elle aime la peinture à l’huile, le dessin, l’aquarelle, le pastel. En 1889, elle connaît un grand succès avec Pêcheuses de Picardie (Smithsonian American Art Museum), figurant une fillette et sa mère, revenant d’une pêche à pied dans les alentours d’Etaples. Cette œuvre emblématique est également éditée en bronze, produite à dix exemplaires par un fondeur, qui retranscrit parfaitement l’ambiance voulue par l’artiste. La sculpture, très réaliste, nous montre une mère tenant un filet de pêche et son enfant dans l’autre main. Du haut d’un piédestal dunaire, ensemble, ils scrutent la mer. La force du vent devient perceptible par les plis des drapés des vêtements. Cette scène maternelle face aux éléments naturels, dégage une force et une émotion palpables. L’artiste édite d’autres bronzes à l’époque, notamment des bustes de sa famille, Louise et Caleb Nourse.

Elizabeth Nourse est aussi active dans les expositions montées par la Galerie Georges Petit à Paris, notamment lors des événements consacrées aux femmes artistes. Cette galerie éponyme est une institution incontournable du marché de l’art français jusqu’au début des années 1920. Implantée dans la rue de Sèze, sa vaste salle d’exposition de 300 mètres carrés s’offre aux visiteurs après un escalier monumental. Particulièrement sophistiqué, « l’établissement est servi par des sols parquetés recouverts de tapis rouges, des murs tendus de velours brun, et par un ingénieux système de lustres qui s’élève et s’abaisse à volonté. […] Les salles spacieuses de la galerie permettent de mettre en valeur les œuvres exposées ; on est loin de l’accumulation des toiles perdues dans la cohue des Salons« .

En janvier 1896, à la Galerie Georges Petit, elle participe à la 4ème Exposition de la Société des Femmes Artistes, au côté de Marie Duhem entre autres, présentant sept œuvres dont : étude de Bébé et Tête d’Enfant. En 1906, elle revient pour la 14ème Exposition de la Société des Femmes Artistes, envoyant quatre œuvres dont Fillette (pastel) et La petite sœur (dessin), puis une dernière fois en 1908. Tous ces sujets tendres, maternelles et sentimentaux, reçoivent un très bon accueil de la critique et du public. En mai 1915, elle participe à la Grande Tombola des artistes et des écrivains français, offrant un dessin aquarellé intitulé Fillette.

Très féministe et sensible à la condition des enfants, elle se fait spécialiste d’une peinture quelque peu sociale, produisant nombre de portraits de fillettes et de gamins dans la pauvreté ou au travail. Elle participe à la Société des Peintres orientalistes français de 1904 à 1906, sans grand succès. Elle intègre, avec Virginie Demont-Breton, la fameuse Union des Femmes Peintres et Sculpteurs (UFPS), installée à Paris. Elle y présente en 1916 : Consolation (peinture) et Mère et Bébé (dessin).

En octobre 1908, pour la 19ème Exposition du Water Color Club à New-York, l’artiste présente Le repas en famille (non localisé), figurant une famille étaploise attablé dans son intérieur modeste. Une miche de pain, peu agréable, trône sur la table. Regardant sa mère, l’air inquiet, la fillette comprend déjà la détresse de ses parents qui peinent à nourrir la petite famille. L’œuvre reçoit un grand succès.

Durant la Première guerre mondiale, Elizabeth Nourse est très active pour l’aide de guerre. Pour son action, l’artiste reçoit en 1915 une médaille d’or lors de l’exposition de San Francisco, puis en 1919, une plaque d’argent de la Société des Beaux-Arts, en reconnaissance de son travail pour les artiste victimes de la Grande guerre. Durant l’hiver de 1917, intégrée à la Croix-Rouge, elle aide les prisonniers qu’elle croque de sa plume à ses temps perdus. En 1921, elle reçoit la médaille Laetare lors de son retour aux Etats-Unis, accompagnée des félicitations du nonce apostolique.

En 1920, à l’invitation de Tanner, elle expose La mère et la ménagère à l’Exposition du Touquet. Après la mort de sa sœur jumelle en 1927, sa santé se dégradant, elle cesse alors d’exposer. L’artiste meurt le 8 octobre 1938 à Paris. Une très large partie de son œuvre se trouve réunie au Cincinnati Museum, une masse de 500 peintures, aquarelles et dessins, reflétant son talent.

Par le choix et l’intensité de ses sujets et de son art, Elizabeth Nourse peut être considérée comme « précurseur de la peinture sociale réaliste », à l’instar de Jules Adler.

Auteur : Yann Gobert-Sergent

Henri et Marie Duhem – amitiés d’artistes entre Wissant et Etaples

Les rencontres entre les artistes demeurent des terreaux fertiles qui nourrissent leur inspiration, au-delà des amitiés et des relations plus intimes qui peuvent se nouer. Au 19ème siècle, les différents groupes d’artistes ou « Ecoles » en sont les témoins flagrants. Dans le Nord de la France, l’atelier de Constant Dutilleux (1807-1865) est le premier à favoriser l’amitié entre ses élèves et donne naissance à une grande lignée d’artistes, appelée « l’Ecole d’Arras ». Alfred Robaut (1830-1909), dessinateur et spécialiste de l’œuvre de Corot, ainsi que le peintre Charles Desavary (1837-1885), deviennent ses deux beaux-fils, quand Célestin Lepollart (1819-1882), premier maître d’Adrien Demont (1851-1928), est un cousin éloigné des familles Robaut et Dutilleux. 

Adrien Demont, jeune artiste prometteur, reçoit les conseils avisés de Célestin Lepollart qui s’installe à Douai après le décès de Constant Dutilleux. Continuant son parcours initiatique, il rend visite à Courrières en 1873 à Jules Breton (1827-1906), peintre naturaliste d’une grande renommée. A ses côtés, Adrien Demont y acquiert une solide formation de peintre paysagiste. Durant cette période, ses visites répétées lui permettent d’y rencontrer Virginie Breton (1859-1935), la fille unique de son maître. Très vite, une connivence s’installe entre eux. Les deux amoureux s’unissent le 7 février 1880 et s’installent à Montgeron dans l’Essonne. Plus tard, la carrière de Virginie Demont-Breton prend une ampleur certaine, notamment grâce au succès précoce de La Plage, médaillée au Salon de 1883 et acquise par l’Etat. A la même époque, le couple découvre Wissant, une petite bourgade de pêcheurs, encore sauvage et pittoresque, située entre les Caps Blanc-Nez et Gris-Nez. Ils viennent y peindre l’été et résident à l’hôtel Duval. Leur registre pictural bénéficie du folklore des gens de mer, des flots tempétueux et de la blondeur immaculée des dunes. En 1891, le couple s’y installe et y fait construire le Typhonium, une massive maison-atelier de style égyptisant, perchée sur les hauteurs du village, alors occupées par les landes desséchées. C’est alors que plusieurs jeunes disciples les rejoignent, attirés par cet endroit propice de la Côte d’Opale.

Le couple Demont-Breton se montre très chaleureux avec les artistes de passage, ceux qui bénéficient déjà d’une carrière ou simplement d’autres en recherche de conseils. Originaires d’Arras ou de Douai, certains sont « amis de collège, et ils se connaissent intimement. » Durant une saison ou pour plusieurs mois, ils rejoignent « l’Ecole de Wissant », notamment les trois complices : Georges Maroniez (1865-1933), peintre de marine, Fernand Stiévenart (1862-1922), qui s’installe plus tard avec sa famille à Wissant, et Henri Duhem (1860-1941), avocat à Douai. Ainsi, « en cette année 1889, Henri Duhem de Douai (dont le père était l’ami intime de papa Demont), et qui faisait de l’aquarelle avec succès, vint à Wissant et c’est avec nos conseils qu’il commença à aborder la peinture à l’huile. Comme Fernand Stiévenart, il était logé à l’hôtel Duval. »

Pourtant, c’est à Montgeron que Marie Duhem (1871-1918) fait la connaissance des Demont-Breton. Virginie Demont-Breton est séduite par cette adolescente âgée de quinze ans : « La brune et jolie Marie Sergeant de Calais, encore fillette, venait avec sa mère et ouvrait timidement ses cartons pour nous montrer ses études dont le sentiment profond dénotait déjà les qualités qu’elle devait développer plus tard. Toute modeste, elle rougissait de joyeuse surprise quand nous lui disions que c’était très bien. »

Trois ans plus tard, en août 1889, Marie Duhem est invitée à se joindre à cette petite société d’artistes wissantaise, arrivée relatée par Adrien : « Nous étions tous en train de peindre sur la route de Marquise quand passa le petit omnibus de Duval qui l’amenait accompagnée de Mme Sergeant, sa mère. Nous leur fîmes un salut amical de la main et ce rapide instant suffit à Henri Duhem pour être frappé de la beauté et du charme de mademoiselle Marie. Les jours qui suivirent, elle vint mettre son petit chevalet près des nôtres tantôt dans la campagne, tantôt dans le sable … ». Un autre jour, « ayant gravi la falaise, on se dirigeait vers le petit hameau de Framzelle pour prendre au rustique restaurant Vasseur, une collation arrosée de bonne bière blonde du pays. Dans un accès de gaîté, Duhem jeta à terre une assiette au grand émoi de la maîtresse du logis : c’était pour en distribuer les morceaux à nous tous en souvenir d’une journée qu’il voulait marquer d’une pierre blanche, car il s’était aperçu que la sympathie qu’il avait pour mademoiselle Marie était réciproque. […] Un an après ils étaient mariés. »

Très impliquée dans la reconnaissance des femmes artistes, Virginie Demont-Breton, à la manière d’une sœur aînée, encourage Marie Duhem dans sa création. Le 23 août 1889, comme pour fêter son intégration réussie à cette joyeuse troupe d’artistes, elle réalise un joli portrait de Marie peignant sur le motif, posant dans une barque installée sur l’estran. Durant l’été, ces nombreuses séances collectives en plein air rapprochent Marie et Henri Duhem. Le 30 décembre 1889, Henri adresse à Marie ses meilleurs vœux, inscrits sur une carte de visite accompagnée d’un morceau de porcelaine, en « souvenir de leur bonne connaissance. » Marie et Henri convolent en noces le 10 septembre 1890 à Coulogne, puis s’établissent à Douai. Virginie Demont-Breton leur offre alors une petite œuvre figurant un jeune enfant monté dans un chariot. Réalisée le 6 août 1889, elle symbolise la sincère amitié qui lie leurs deux couples et célèbre ce nouveau foyer. Un an plus tard, le 1er octobre 1891, Marie donne naissance à leur fils unique, Rémy.

Au cours des années 1890, Henri Duhem abandonne sa charge d’avocat à la Cour d’Appel de Douai. Le couple expose ensemble avec succès dans la région du Nord, dans les Salons parisiens, et parfois à l’étranger. Ils acquièrent une jolie longère à Camiers, charmant bourg campagnard, qui inspire leur production durant leurs séjours estivaux. Marie Duhem représente maintes fois cette frêle masure au jardinet fleuri de renoncules et de dahlias coruscants. Blanchie au lait de chaux de manière éclatante, la façade donne son nom à l’œuvre, tandis que le soubassement noirci au goudron, la toiture tapissée de pannes flamandes orangées et la lucarne meunière demeurent caractéristiques de la région. Comme un appel nostalgique, Marie fixe, pour la postérité, ce havre de paix et de bonheur familial, cet écrin champêtre pour son foyer naissant. Dans ce cadre idyllique, d’autres œuvres suivent, des paysages et des scènes bucoliques parfois animées de jeunes femmes ou d’enfants. Cet amour parfait s’harmonise alors aux couleurs chatoyantes de leur palette et à leur succès reconnu, comme l’évoque plus tard Henri dans ses mémoires. Tout en gardant des liens très forts avec les artistes wissantais, les Duhem fréquentent également des grands maîtres parisiens, ainsi que d’autres peintres de leur génération, établis notamment à Etaples.

En effet, depuis les années 1880, le village d’Etaples et ses alentours voient débarquer bon nombre d’artistes, français et étrangers, en quête d’inspiration. La préservation des coutumes et du folklore local et une population maritime pittoresque ravissent les peintres arrivés de Paris par le chemin de fer. L’hôtel Ioos sur la place du marché d’Etaples et l’hôtel du Lac à Camiers deviennent des lieux de rencontres fructueuses où beaucoup s’établissent. Dans ce bain culturel, les Français croisent des Anglais, des Américains, des Australiens et d’autres nationalités encore. Cette colonie d’artistes très vivace, emmenée par Eugène Chigot (1860-1923), d’un tempérament gai et jovial, accueille Francis Tattegrain (1852-1915), déjà habitué à brosser les falaises du Cap Gris-Nez, et Henri Le Sidaner (1862-1939), fameux peintre intimiste arrivé en 1884. « L’Ecole d’Etaples » atteint son apogée dès 1900 et jusqu’à la Première guerre mondiale. En 1892, la « Société des Amis des Arts », dont Eugène Chigot est le président, Henri Le Sidaner le vice-président, et Henri Duhem un membre actif, organise la première exposition des peintres d’Etaples. Ils sont une quarantaine à accrocher aux cimaises leurs œuvres, dont Adrien Demont, Georges Maroniez et le norvégien Frits Thaulow (1847-1906). Dans les années 1910, c’est un véritable triomphe pour ces expositions. Ainsi, en 1914, la « Société Artistique de Picardie » rassemble 89 artistes qui proposent 223 œuvres au public.

La proximité géographique de Camiers et d’Etaples permet aux Duhem de fréquenter facilement ce groupe très créatif. Leurs correspondances, très riches, témoignent de leurs liens indéfectibles qui traversent ces années de réussite. Compagnon de route et confident, Henri Duhem est aussi le premier mécène d’Henri Le Sidaner. Il échange ou achète nombre d’œuvres réalisées par ses amis et se constitue ainsi une vaste collection d’art. Certains viennent même poser leur chevalet chez le couple, à l’instar d’Eugène Chigot et d’Henri Le Sidaner. Si Henri Duhem reste un solide paysagiste et évolue peu dans sa pratique, Marie, au contraire, se montre ouverte aux représentations plus modernes des sujets. Sa sensibilité et sa complicité avec Henri Le Sidaner sont palpables dans certaines œuvres, notamment dans les paysages toujours empreints de luminosité et d’élégance. Dans le portrait d’Henri Le Sidaner, réalisé au début des années 1890 par Marie, la touche picturale est très similaire au portrait de jeune garçon représentant Rémy Duhem, croqué par Henri Le Sidaner trois après. Cette amitié se prolonge aussi dans la peine. En 1916, Henri Le Sidaner rend hommage à leur fils Rémy tué au combat, en réalisant La Tombe du Soldat. Au-delà de la pratique artistique, les peintres perpétuent la grande tradition de servir de modèle pour leurs confrères, et de s’échanger leurs œuvres en gage de respect et d’amitié sincères.

A l’instar de la Ruche, vaste demeure parisienne comptant une soixantaine d’ateliers pour artistes débutants ou en peine financière, les différentes « Ecoles » présentes sur la Côte d’Opale fonctionnent sur le même modèle. De génération en génération, les artistes s’y rencontrent, évoluent, s’influencent puis trouvent leur propre voie. Si Henri et Marie Duhem s’inscrivent dans ce schéma habituel, ils réalisent surtout la liaison entre le « Groupe de Wissant » et « l’Ecole d’Etaples », grâce à leur sensibilité et à leurs amitiés nombreuses.

Le début de la guerre 14-18 marque la fin précipitée de ces communautés insouciantes, avec la dispersion des artistes, regagnant leur patrie, engagés au front ou simplement réfugiés. La mort au combat de Rémy Duhem survenue le 9 mars 1915, puis la disparition brutale de Marie Duhem le 9 juillet 1918, plongent Henri Duhem dans une tristesse incommensurable : « Sans rien toucher de ce qui fut à l’aimée, je m’agenouillai à la place où je baisai ses yeux avant que la recouvrît le suaire, m’assurai que j’avais bien enfoncé dans ma poche son chignon coupé… ». Seul rescapé, Henri Duhem se retrouve dans une grande précarité à Saint-Amand. En octobre 1918, ses amis, Fernand Stiévenart et Juliette de Reul, ne l’oublient pas et l’invitent à venir se réfugier chez eux à Bruxelles. Aussi fécondes soient-elles, de ces amitiés d’artistes, seuls subsistent aujourd’hui quelques pochades et tableaux, témoins et souvenirs posthumes de ces temps heureux.

Auteur : Yann Gobert-Sergent

Edouard Houssin (1847-1919) – statuaire de l’Ecole de Wissant

Edouard Marie Houssin est né à Douai le 13 septembre 1847, fils d’un employé de l’hôpital général de Douai. Après sa scolarité, il entame un parcours aux académies de Douai dès 1856, puis suit des cours de sculpture d’architecture et de dessin jusqu’en 1864. L’année suivante, il gagne Paris pour terminer sa formation auprès des sculpteurs François Jouffroy, puis d’Aimé Millet (1877). En 1868, il présente son premier buste à la Société des Amis des Arts de Douai.

Après la guerre de 1870, il est nommé professeur aux académies de Douai et s’installe à Paris. Après vingt ans de carrière, il est nommé professeur de modelage à la Manufacture nationale de Sèvres (1894). En 1890, il découvre Wissant et son village de pêcheurs pittoresque grâce au couple Demont-Breton. En août 1891, il achète un premier terrain pour y établir un atelier provisoire, puis le 23 août 1892, il acquiert une fermette au lieu-dit le Vrimetz où il installe son dernier atelier. Adrien Demont en parle avec émotion dans ses mémoires en 1927 : « Notre ami le statuaire Edouard Houssin, né aussi à Douai, s’installa à peu près en même temps que Mlle Valentine Pèpe avec sa charmante famille, au Vrimetz, hameau attenant à Wissant, où il se fit un atelier. Houssin avait déjà fait mon buste et ceux de Virginie et de mon beau-père Jules Breton. Il fit aussi ceux de nos trois enfants Louise, Adrienne, Eliane. Ceux de Louise et d’Adrienne ont été édités avec notre autorisation par la manufacture de Sèvres en grandeur nature et en réduction. Ils ont fait partie d’un cadeau que la France faisait au roi d’Angleterre Edouard VII. Ils sont désignés au catalogue de Sèvres sous ce titre : les enfants de Houssin. »

En 1893, Edouard Houssin présente un buste en bronze de Virginie Demont-Breton à la fameuse Exposition Internationale d’Art de Chicago. L’année suivante, il est nommé professeur de modelage à la Manufacture nationale de Sèvres jusqu’à son décès. En 1895, Fernand Lefranc écrit dans La Revue du Nord : « Ses bustes, tous d’une exactitude irréprochable et admirablement enlevés, ne comptent plus. »

En 1903, le sculpteur réalise Le bateau de sauvetage, une œuvre monumentale en bronze de 300 kilos, qu’il présente au Salon des Artistes français à Paris. Conservé au musée de la Chartreuse à Douai, ce groupe figure des marins wissantais au travail pour lancer un navire de sauvetage en mer.

Plusieurs monuments et statues dans le nord de la France au Salon, on remarque de nombreux bustes, souvent en bronze. Edouard Houssin a également produit des séries en biscuit de Sèvres et en bronze avec diverses patines :

– Enfant à la panthère, groupe (1881)

– Esmeralda, statuette (1883)

– Phaeton, statue, 240cm, (1889), dans un jardin public de Briançon

– Jules Breton, buste en plâtre patiné. La terre cuite est conservée au musée d’Arras (1893)

– Le Bateau de sauvetage, haut-relief (1904)

– Homme lançant une pierre, musée de Douai

– L’Amour piqué par une abeille, musée de Douai

– Léda, musée de la Rochelle

Œuvres en fonte de fer, par les fonderies Salin :

– Deux pages

– Saint Ignace de Loyola

Durant sa carrière, Edouard Houssin reçoit plusieurs mentions honorables (1879, 1881, 1883, 1885) ainsi que des médailles (troisième classe en 1887, deuxième en 1889) dont deux en bronze lors des Expositions Universelles de 1889 et 1900 à Paris.

En marge des expositions parisiennes, Edouard Houssin expose beaucoup dans les salons du Nord, à Douai de 1868 à 1910, essentiellement des groupes en bronze, des bustes, des plaques et des portraits (bronze, plâtre, biscuit de Sèvres, grès flambé) Il produit les bustes des filles Demont-Breton, Adrienne et Louise, en 1893, puis la dernière fille Eliane en 1908. Jules Breton et sa femme, ainsi que le couple Adrien et Virginie Demont-Breton, seront également immortalisés par son œuvre.

Edouard Houssin meurt le 15 mai 1919 à Paris. Certaines de ses œuvres ont disparu durant la Seconde guerre mondiale, fondues pour la plupart par l’ennemi.

Auteur : Yann Gobert-Sergent 

Alexandre Houzé (1837-1908) – ami belge d’Adrien Demont à Wissant

François Joseph Alexandre Houzé est né le 18 octobre 1837 à Tournai en Belgique. Dans son pays, il suit les cours de Joseph Stallaert. Il intègre ensuite l’École des Beaux-Arts à Lille où il reçoit les conseils d’Alphonse Colas, avant de devenir peintre décorateur à Arras.

Après avoir fait ses premières études aux académies de Lille, où il obtint toutes les premières récompenses, Alexandre Houzé exécute en 1857 une copie du tableau de Louis Gallet, représentant Les derniers honneurs rendus au comte d’Aigremont. Cette commande lui rapporte alors la belle somme de 300 francs. Avec cet argent, le jeune artiste tente fortune à Paris. Il raconte : « A 20 ans, et 500 francs dans ma poche, grisé par quelques succès, je croyais mon avenir assuré. Hélas! ce n’était que désillusions qui m’attendaient dans la Capitale… » En effet, il commence sa carrière en entrant chez un décorateur où il gagne deux francs par jour. Découragé, il renonce à la lutte, et revient travailler à Lille où il fait bien vite apprécier ses remarquables qualités. Il s’y installe définitivement.

Il vient faire des tableaux à Calais à plusieurs reprises. C’est à cette époque, pendant ses pérégrinations à travers les sites Artésiens, qu’il découvre, en compagnie d’Adrien Demont, le délicieux pays de Wissant.
Pendant 25 ans, il exposa régulièrement au Salon des Artistes français. Il se crée une place toute particulière parmi les peintres de la région. Aussi, est-il justement appelé par ses nombreux amis le « Corot du Nord ». La saveur qui se dégage de ses œuvres est d’une exquise poésie, et d’une véritable sincérité.

Au Salon de Paris de 1879, Houzé présente une première œuvre montrant Wissant qu’il intitule Une ferme à Herlen. Dès 1883, il rejoint le couple Demont-Breton à Wissant, puis participe au groupe de ces artistes, Fernand Stiévenart, Félix Planquette, Georges Maroniez, … Il produit alors des œuvres marines ou champêtres de cette région, de nombreuses études d’après nature, réalisées d’une touche délicate et fine, dans des tons sobres et subtils.

Au salon, Alexandre Houzé expose : Le Pont de CanteleurLe PortelLe lever du matin à Allain (Musée de Lille) – Lever sur l’Escaut (Musée de Lille) – Les bords du Gave (Lourdes) – Vue de PlaceLe Pont Loyes à Allain (effet d’orage) – Les moulons en plaineLes dunes de Wissant Le village d’Allain (effet de soleil) – Atelier de Monsieur Demont-Breton à WissantDerniers rayons de soleil Route de la Corniche (vue de Nice) – Le cap Saint Jean (Nice) – Villefranche Une nature morteLe faisanUne route à Tournai (effet de soleil) – La chaumière (effet du matin) – La chaumière (effet du soir). Parfois, sa palette, toujours solide, se transforme : c’est une mystérieuse gamme de tons largement brossés dans des gris d’une excessive finesse. Puis, ce sont d’autres conceptions où l’artiste se transforme dans de chatoyantes teintes.

Très imprégné par son métier, Alexandre Houzé laisse le souvenir d’un peintre investi, dès l’aurore, à parcourir le village et ses alentours, la mer et l’estran, à la recherche de dunes ou de champs à fixer sur la toile. Durant sa carrière, il participe régulièrement au Salon de Paris, avec notamment des vues de la Côte d’Opale dont Marée basse à Wissant en 1881, Le Port de Calais en 1890 et La Deûle l’année suivante, Coucher du Soleil à Wissant en 1900. Membre fondateur de la Société des Artistes Lillois avec Pharaon de Winter (1890), il y expose sans discontinuités jusqu’en 1907. Un an après sa mort, une rétrospective de ses œuvres est organisée lors de la 22ème Exposition des Artistes Lillois en 1909. Veuf d’Anne Wells, Alexandre Houzé meurt le 29 novembre 1908 à Lille, et il est enterré au cimetière de l’Est de la commune deux jours plus tard.


Alexandre Houzé est surtout représenté au musée de Tournai. Cependant, Matin à Allain et Tournai le matin sont conservés au Palais des Beaux-Arts de Lille.

Auteur : Yann Gobert-Sergent