Helen Mabel Trevor (1831-1900) – une Irlandaise à Étaples

Helen Mabel Trevor est née le 20 décembre 1831 dans une famille pratiquante de l’Église d’Irlande sur un grand domaine, Lisnagade, dans le comté de Down. À l’exception de sa sœur Rose, ses frères et sœurs n’étaient pas en bonne santé, et les sept enfants sont morts célibataires et sans enfant. Rose est restée la compagne d’Helen tout au long de leur vie. Nous ne savons pas si Helen a suivi des cours d’art pendant qu’elle vivait à la maison. Pour qu’une femme puisse aspirer à une carrière, et encore moins à une carrière d’artiste, il fallait une personnalité très déterminée et des moyens indépendants pour financer la formation et les voyages.

Miss Trevor se montre très tôt douée pour le dessin et la peinture et son père lui construit un studio à la maison. À 22 ans, ses œuvres sont été exposées lors de la grande exposition industrielle de 1853 à Dublin, qui s’est tenue dans un pavillon temporaire sur la pelouse de Leinster, à l’endroit où se trouve aujourd’hui la National Gallery of Ireland. Plus d’un millier de peintures d’artistes nationaux et internationaux majeurs sont exposées, dont cinq œuvres de Trevor. À cette époque, elle commence également à participer aux expositions annuelles de la Royal Hibernian Academy.

Après la mort de son père en 1872, Helen s’installe à Londres avec sa mère et sa sœur Rose. En 1877, elle demande à être admise à la Royal Academy of Arts (RA). À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, les artistes irlandais commencent à quitter Londres pour se perfectionner dans les académies et les ateliers privés de Paris. Vers 1880, Helen Trevor suit cette tendance et s’installe à Paris pour poursuivre sa formation auprès de l’artiste français Carolus-Duran, l’un des plus grands portraitistes de l’époque. Elle arrive à une période passionnante du monde de l’art, où l’accent est mis sur un art plus démocratique, capturant la vie quotidienne des gens et des lieux ordinaires.

Les colonies d’artistes en Bretagne étaient populaires auprès des artistes irlandais, et ainsi Helen Trevor s’y rendit pour la première fois en 1881. Elle avait une empathie particulière pour le peuple breton, une communauté distincte avec sa propre langue, ses traditions, ses costumes de fête et ses dévotions religieuses. Le pittoresque Pont-Aven fut l’un des premiers villages à accueillir des artistes. Le tableau de Trevor, « The Old House, Pont-Aven », se trouvait sur la place du village, à côté de la Pension Gloanec, l’auberge préférée de Gauguin et de son entourage, dont l’artiste irlandais Roderic O’Conor.

Helen Trevor aimait travailler avec les enfants. Dans « Breton Boys en retenue », sept garçons sont en retenue dans la salle d’école. Froid, fatigués et inquiets, quels méfaits ont-ils bien pu commettre ? – Trevor capture les émotions sur les visages de chacun des enfants et les détails de leurs vêtements en lambeaux. La dernière décennie de la vie de Miss Trevor a été la période la plus fructueuse de sa carrière. Après une tournée de six ans en Italie, de 1883 à 1889, Trevor retourne à Paris et reprend ses visites en Bretagne. Helen Trevor revient à Paris en 1889 et reprend le travail avec Carolus-Duran. Elle visite régulièrement la Bretagne pendant cette période, mais elle reste à Paris pour le reste de sa vie à plusieurs adresses. En 1889 et 1899, elle expose au Salon de Paris.

En 1892, déjà âgée, elle passe à Étaples sur les pas de son ami Franck O’Meara, décédé jeune en 1888 à l’âge de 35 ans. Cette année-là, sous les présidences d’Eugène Chigot et d’Henri Le Sidaner, elle participe à l’Exposition des Amis des Arts à Étaples présentant 4 œuvres dont : « Vieille matelote d’Étaples », un portrait, une étude, et « Sur les dunes ». La « Vieille matelote d’Étaples », qui connaît un grand succès, est également appelée « La mère du pêcheur ». Dans ce portrait, la femme âgée regarde directement le spectateur. Ses yeux perçants et son regard direct et inflexible laissent entrevoir une grande force intérieure. Les mains qui tiennent la canne, enlacées autour de son chapelet, témoignent d’une vie de dur labeur soutenue par une foi fervente.

Au cours de sa vie, Trevor a exposé 60 œuvres dans 37 expositions majeures à Dublin, Londres et Paris. Trevor et John Lavery ont été les deux seuls artistes irlandais de cette période à voir leurs œuvres acceptées dans dix prestigieuses expositions du Salon de Paris. Elle laisse peu d’œuvres du Nord de la France et d’Étaples, essentiellement des portraits de femmes de pêcheur et de leurs enfants.

Helen Trevor meurt d’une crise cardiaque dans son studio à Paris, le 3 avril 1900, à l’âge de 68 ans. Dans son testament, elle fait don de « La mère du pêcheur » et de « L’intérieur d’une maison bretonne » à la National Gallery.

Auteur : Yann Gobert-Sergent