Virginie Demont-Breton est née le 26 juillet 1859 à Courrières en Artois. Son père, le peintre Jules Breton (1827-1906) avait épousé en 1858 Élodie de Vigne, fille du maître gantois Félix de Vigne (1806-1862). Sa vie d’enfant et d’adolescente à Courrières est simple et rustique, mais ouverte de façon permanente à l’art et à la littérature. Ses dons artistiques précoces se développent dans une tradition mi-académique, mi-naturaliste, sous la direction de son père qui l’incite à privilégier des études d’après nature, afin de développer observation et imagination.
En 1880, elle épouse le peintre paysagiste Adrien Demont (1851-1928), et ensemble ils ont trois filles : Louise, Adrienne et Éliane. Les Demont-Breton s’installent à Montgeron, mais découvrent en 1881 le charmant village côtier de Wissant, situé entre les caps Blanc-Nez et Gris-Nez. Ils y séjournent souvent avant de s’y établir définitivement. En 1891, ils y font construire leur villa-atelier, le Typhonium, un bâtiment dans un style égyptisant étonnant conçu par Edmond de Vigne.
Virginie Demont-Breton s’épanouit dans l’exercice de son art, comme dans sa vie d’épouse et de mère. Sa carrière artistique est précoce. Elle expose à Paris dès 1879 et obtient une médaille d’or à l’Exposition Universelle d’Amsterdam de 1883. Hors-concours dès le Salon de 1883 avec La Plage (acheté par l’État pour le Luxembourg, en dépôt au musée d’Arras), ce brillant début de carrière se confirme rapidement en France et aux États-Unis, autour des thèmes de la famille et de ses figures privilégiées : la femme et l’enfant. La découverte de la baie de Wissant, puis l’installation définitive au Typhonium, leur demeure construite à « l’égyptienne » au-dessus du village avec l’aide de l’architecte belge Edmond de Vigne, amène la jeune femme à se consacrer à la représentation de la vie quotidienne des pêcheurs : Les Loups de mer (1885, musée de Gand), Hommes de mer (1898, musée de Picardie à Amiens). Elle observe les futurs mousses aux prises avec la mer (La Trempée, 1892 – A l’Eau, 1897, musée de Gand). Bouleversée par les drames que la mer suscite, elle peint l’attente angoissée de l’épouse dont L’Homme est en mer (1889), copié par Van Gogh, et le deuil inéluctable pour Les Tourmentés (1905, Palais des Beaux-Arts de Lille).
La production artistique de Virginie Demont-Breton s’articule principalement autour des thèmes liés à la vie quotidienne des habitants de la mer dans la baie de Wissant. Son premier grand succès au salon de 1883, La Plage (actuellement exposé au musée des Beaux-Arts d’Arras après avoir été déposé au musée d’Orsay), témoigne de son intérêt pour la représentation de l’enfance et de la maternité. Elle a également excellé dans la peinture d’histoire, comme en témoigne Jean-Bart exposé au Salon de 1894 (musée des Beaux-Arts de Dunkerque, détruit pendant la Seconde Guerre mondiale), ou Ismaël présenté en 1896 (musée de Boulogne-sur-Mer).
Touchée par la dure vie des pêcheurs du Nord, Virginie Demont-Breton a consacré plusieurs de ses tableaux aux épisodes dramatiques de la vie maritime. C’est notamment le cas des Tourmentés (1905) actuellement (musée des Beaux-Arts d’Arras), un grand tableau qui dépeint de manière saisissante le chœur tragique des femmes de marins surplombant les corps sans vie de pêcheurs naufragés.
A partir des années 1890, au culte du héros (Jean Bart, 1894, acquis par le musée de Dunkerque, détruit pendant la Seconde guerre mondiale), s’ajoute une certaine veine mystique assez caractéristique d’une peinture mi-naturaliste, mi-symboliste de la fin du siècle. Enfin, la présence permanente de la mer, en toutes circonstances et dans la grande diversité de sa palette, habite sa peinture. De jeunes peintres, séduits également par le site et ses habitants, ne tarderont pas à rejoindre Virginie Demont-Breton et son époux, et développeront leur propre talent sous leur égide très ouverte : c’est le groupe de Wissant ou École de Wissant (Félix Planquette, Fernand Stievenart, Valentine Pèpe, le couple Henri et Marie Duhem).
Un désir profond de voir les femmes se réaliser à part entière dans leur carrière artistique a incité Virginie à rejoindre L’Union des Femmes peintres et sculpteurs (1883). Sous sa présidence (1895-1901), et conjointement avec Madame Léon Bertaux, elle obtient de Jules Ferry l’entrée officielle des femmes à l’École des Beaux-Arts et le droit de concourir elles-aussi pour le Prix de Rome. En 1894, l’artiste reçoit la Légion d’honneur au grade de chevalier, puis d’officier en 1914. En 1896, elle est nommée Rosati d’honneur.
Malgré une vie demeurée quotidienne à Wissant, c’est à Paris qu’elle meurt le 10 janvier 1935.
Auteur : Yann Gobert-Sergent