Georges Ricard-Cordingley (1873-1939) – le poète des ciels boulonnais

Pour exprimer un sentiment, dans toute son efficacité, le peintre doit s’appuyer sur la vérité absolue, sur la réalité qui a été celle même, pour tous, le point de départ de votre émotion. Après avoir analysé, cherché l’émotion dans l’illimité du rêve et de la pensée, pour la communiquer à d’autres, il faut se servir d’un réalisme, d’une exactitude aussi rigoureuse que possible.” A travers ces pensées, Georges Ricard-Cordingley résume parfaitement la vision qui va animer son art, toute sa vie durant. Originaire de Lyon, aux racines anglaises, l’artiste parcourt le Boulonnais dès les années 1890 pour y peindre des scènes maritimes et des paysages, à l’instar de ses prédécesseurs célèbres. Pourtant, par sa gamme empruntée de couleurs douces, aux effets de lumière éblouissants, et par son investissement à vouloir apprendre aux côtés des gens de mer, Georges Ricard-Cordingley laisse un travail unique et inégalable. Voyageur invétéré, à la recherche constante d’inspirations nouvelles, l’artiste évolue aussi bien dans la société mondaine de la Côte d’Azur, qu’au milieu de rudes marins partis en mer sur un morutier.

Georges Ricard-Cordingley est né le 30 janvier 1873 à Lyon. Son père Prosper est un négociant en soieries, quand sa mère Giorgiana est d’origine anglaise. Malheureusement, son père meurt brutalement en 1875, laissant sa mère sans ressources pour élever Georges et Albert, son frère aîné. Elle donne alors des cours de piano et d’anglais, et s’adonne à la peinture pour pouvoir subvenir aux besoins de la petite famille. La situation s’avère difficile, mais Giorgiana reçoit l’aide de ses deux sœurs établies à Boulogne, qu’elle visite régulièrement. Déjà, depuis ses huit ans, Georges Ricard-Cordingley croque son environnement, peint la rue et ses ciels avec envie. En 1887 à Equihen, il rencontre Jean-Charles Cazin (1841-1901) lors d’une visite impromptue à sa maison-atelier, accrochée à la falaise, face à la mer. L’année suivante, il entre à l’Ecole des Beaux-arts de Lyon qu’il fréquente de 1888 à 1889. C’est à cette époque qu’il côtoie à Grenoble le grand peintre Johan Jongkind (1819-1891), précurseur de l’Impressionnisme, qui a influencé plus tôt Eugène Boudin et Claude Monet. Élève d’Isabey, Jongkind peint dès les années 1850 les ports de Normandie et de Bretagne en compagnie de Corot, Sisley et Courbet. Il travaille par croquis qu’il retranscrit, en atelier, en huile sur la toile, traités dans des tons sourds et francs. Peu d’éléments sur ces entrevues exceptionnelles, mais on imagine que le jeune artiste a dû recevoir avec intelligence les conseils avisés du vieux maître. Ses représentations de la mer, de ses ports et de ses ciels lumineux trouvent ici probablement une certaine genèse. L’année suivante, Georges part à Paris suivre les cours des maîtres classiques de l’époque, Benjamin Constant, Jules Lefèvre et Louis Martinet à l’Académie Julian.

A peine âgé de dix-sept ans, Georges Ricard-Cordingley montre ses œuvres pour la première fois à l’Exposition de Beaux-arts de Boulogne, qui se déroule du 15 août au 15 septembre 1890. Cette précocité exceptionnelle rappelle celle de Virginie Demont-Breton (1859-1935), présente très jeune dans les Salons grâce à son talent et au soutien de son père Jules Breton. L’installation a lieu au casino de la ville, où sont rassemblées 558 œuvres, peintures, aquarelles et sculptures. Les artistes sont principalement régionalistes, à l’instar de Georges Maroniez, Gustave Mascart, Fernand Quignon, Henri Le Sidaner et Francis Tattegrain, certains encore peu connus, les professeurs de l’école municipale, et enfin quelques grands noms de paysagistes comme Emile Dardoize, Henri-Camille Delpy et Georges Laugée. Lors de cette manifestation, Georges Ricard-Cordingley, probablement recommandé par Jean-Charles Cazin, dévoile deux petites marines. Il y rencontre aussi un autre exposant, l’illustrateur André des Gachons (1871-1951), avec lequel il travaillera plus tard.

L’année suivante, Georges Ricard-Cordingley récidive. Lors de la 32ème Exposition municipale des Beaux-arts de Rouen, du 1er octobre au 30 novembre 1891, il présente une marine et un coucher de soleil sur la mer. En février 1892, grâce au soutien du peintre Louis Martinet (1814-1894), le jeune artiste accroche ses œuvres au “Cercle central des lettres et des arts”, rue Vivienne à Paris. Les critiques sont dithyrambiques : “Monsieur Georges Ricard-Cordingley aime la mer et les marins, et traduit l’une et les autres avec une très rare justesse de vision et un sentiment naturel de la couleur de ses harmonies.  S’il a de la vigueur et de la rudesse, pour peindre un vieux loup de mer, il a d’exquises délicatesses et une poésie pénétrante pour décrire les calmes plats sur l’océan, et les plages où sous l’eau transparente ondule le galet poli. Sur l’infini profond il dessine parfois la mâture d’un bateau, avec des voiles déployées et brillantes comme des ailes de goéland, et c’est une impression vraiment remarquable. Je le répète, le nom du jeune inconnu Ricard-Cordingley, il faut le retenir, il y a là des promesses qui ne trompent pas.” (Journal “Le Soir”). Il y expose en compagnie d’André des Gachons (1871-1951), peintre décoratif et illustrateur, le “mystique bizarre et naïf, l’enlumineur merveilleux des légendes et des missels”, soutenu lui aussi par Martinet. Cette amitié, née à Boulogne en 1890, donne lieu à une collaboration avec son frère Jacques des Gachons (1868-1945), auteur de romans populaires. Avec d’autres artistes, Georges Ricard-Cordingley illustre “L’Album des Légendes”, un recueil de nouvelles publié de 1892 à 1894. Dans cette série, aux côtés de poètes et d’écrivains, le jeune artiste produit notamment un joli dessin aquarellé pour “L’Annuelle Nuit du Mousse”, figurant un bateau fuyant dans le soir, traité de manière symboliste. “Le plus enfiévré poète des vagues, des tempêtes et des temps calmes” assoit sa notoriété à travers ces publications populaires.

La même année, il est invité, par la “Royal National Mission to Deep Sea Fishermen”, à embarquer sur un navire à destination du Dogger Bank. Fondée en 1881 au Royaume-Uni et toujours en activité aujourd’hui, cette société de sauvetage en mer assiste les marins en perdition en leur apportant vivres et soins. Durant quelques semaines, l’artiste navigue au milieu des mers, accompagnant de solides marins, dans des conditions de navigation difficiles. Ce premier voyage au long cours le passionne et le conforte dans son envie d’explorer le monde. Il en rapporte trente-cinq études réalisées à bord. La mer du Nord a conquis l’homme, les vagues et les nuages l’inspirent déjà fortement. C’est alors que Giorgina décède, encore jeune, et Georges Ricard-Cordingley n’est alors âgé que de 19 ans. Admiratif de sa mère, qui lui a donné une bonne éducation bourgeoise, il en demeure très affecté.

Cette année très riche en événements, heureux et malheureux, s’achève par un triomphe. Grâce à son oncle Sir Lancet Francisque, et à son ami le général Henry de Ponsonby (1825-1895), secrétaire privé de la reine, il est présenté à Victoria le samedi 29 octobre 1892 au château de Balmoral. Bien qu’il soit encore peu connu, “sa Majesté a examiné les œuvres du jeune artiste avec le plus grand intérêt”. Quelques jours plus tard, il reçoit une commande de la souveraine qui “a vu vos tableaux avec infiniment de plaisir. […] Sa Majesté a choisi trois de vos marines”, disposées aujourd’hui dans la résidence royale à Osborne. De taille moyenne (40cm x 50cm), les tableaux vendus représentent deux vues de bateaux au soleil couchant, et une composition de la tombe d’Alfred Tennyson (1809-1892), poète admiré par le monarque. A la suite de cette transaction prestigieuse, relayée abondamment par la presse, l’aristocratie et la bourgeoisie anglaises passent de nombreuses commandes à Georges Ricard-Cordingley, qui commence à se sentir à l’étroit dans cet art devenu trop commercial.

Ce succès outre-Manche lui permet de présenter sa première œuvre au Salon de la Société Nationale des Beaux-arts, plus accessible et libre que le Salon des Artistes français. En 1893, il y accroche “Soleil couchant dans les mers du Nord, qui tient tout ce que promettait, l’autre année, son exposition particulière” (“Journal des Artistes”). Il loge alors au 182 boulevard Saint-Germain-des-Prés à Paris. Il récidive plus tard en 1908 en y envoyant “Nuit à Cancale”. Ce sont ses deux seules participations aux salons parisiens, l’artiste préférant exposer dans les manifestations provinciales et dans des galeries privées. Dans cette ambiance mondaine de la Belle Époque, l’artiste évolue avec aisance dans le milieu parisien. Il montre son travail en février 1894 à la Galerie de la Bodinière. Très subtiles et colorées, ses marines enthousiasment la critique et le public : “Avec simplicité, Georges Ricard-Cordingley dit les premières émotions éprouvées à Boulogne-sur-Mer et qu’il a retracées plus tard, par exemple en son Port de Boulogne la Nuit, dans ses études de ciel, où l’orage est en menace parmi l’or diffus du soleil, consignées aussi dans cette plage nue et déserte, dans ces coins de Boulogne où se laisse pressentir un peintre plus attendri, plus étreint d’intime anxiété.” (“Journal des Artistes”). Alexandre Dumas et le romancier Jules Claretie, cousin du peintre Jules Dupré, deviennent ses clients fidèles. Les frères Coquelin, fameux acteurs d’origine boulonnaise, soutiennent l’artiste devenu ami en lui achetant un tableau intitulé “Pleine Mer”.

En 1896, la Société des Œuvres de Mer l’invite sur un navire-hôpital à destination de Terre-Neuve, le “Saint-Pierre”, un trois-mâts goélette de 37 mètres de long. Cette mission doit assister les pêcheurs malades et les morutiers en difficulté. Le 21 avril, le bateau quitte Saint-Malo avec quinze hommes d’équipage. Durant la traversée, Georges Ricard-Cordingley vit à bord comme les marins dans des conditions très rudes. Il réussit néanmoins à produire une trentaine de pochades. Après six semaines de navigation, le “Saint-Pierre” touche le Cap Sainte-Marie sur la côte sud de Terre-Neuve. Mais, le 30 mai, la coque s’éventre sur un rocher au pied des falaises. Malgré la panique, l’artiste parvient pourtant à sauver sa boîte de dessins avant de sauter dans le canot de sauvetage. Dans un grand fracas, le navire sombre totalement. Ces croquis sont encore aujourd’hui une source intéressante de la vie à bord des navires du Grand Nord à la fin du 19ème siècle. L’artiste en tire également deux œuvres importantes, montrant le naufrage et l’évacuation de l’équipage à bord des canots de sauvetage, diffusées en pleine page dans la revue “L’Univers illustré” du 2 janvier 1897.

Pris dans ce tourbillon de succès et de reconnaissance, accaparé par une production quelque peu mercantile, Georges Ricard-Cordingley décide de prendre du recul. En 1901, il s’installe à Boulogne, au 15 rue Basse des Tintelleries. Son atelier est “un petit appartement, constitué d’un salon aux tentures raffinées, avec des meubles en chêne, baignant dans une lumière douce”. A partir de ses croquis de voyage, il peint des huiles sur toile. Des mouettes en plâtre, suspendues au plafond par des fils de fer, agrémentent l’ambiance quelque peu insolite du lieu. A l’époque, même s’il répond encore aux commandes de portraits de la Gentry anglaise, il s’en détache peu à peu. Ses envies de voyage l’assiègent. Entre deux pérégrinations, l’artiste continue à exposer, essentiellement dans des galeries parisiennes et à Londres. Il trouve son inspiration à Boulogne où il croque des vues portuaires dans des tons suaves et saturés. Il figure à l’Exposition internationale des Beaux-arts de Boulogne, qui se déroule du 18 juillet au 15 septembre 1901, quai Gambetta, dans les nouveaux locaux de la Chambre de Commerce. Près de 600 œuvres sont exposées au public, essentiellement dans la “section internationale”, le reste dans la “section boulonnaise” et la “section école de dessin de Boulogne-sur-Mer”, qui rassemble les travaux des élèves primés. Aux côtés de ses amis artistes, Adrien et Virginie Demont-Breton, les Duhem, Victor Dupont, Francis Tattegrain, Fernand Stiévenart … l’artiste présente deux études de marine “où nous retrouvons les grandes qualités du jeune maître, sa sincérité profonde, sa vision nette, la vérité de sa couleur et l’habileté de son pinceau” (“France du Nord”).

Bien reconnaissable, son style est une élégie picturale au service de l’élément marin. Ses vues de la ville de Boulogne prises depuis l’entrée du port, notamment “Le Port de Boulogne” (1899), “L’Église Saint-Pierre” (1903), “Les Jetées au Crépuscule” (1907) ou encore “Coucher de Soleil à Boulogne” (1909), connaissent un grand succès. Victimes des aléas de la guerre et des dispersions, nombre de ces œuvres ont aujourd’hui disparu. Elles restent connues aujourd’hui grâce à leur diffusion sous forme de cartes postales colorisées, par la société anglaise Raphael Tuck and Sons, à partir de 1903 jusqu’années 1920. C’est à cette époque que l’artiste reçoit la commande de décorer les salles du Casino de Wimereux. Achevé en 1903, le bâtiment a fière allure. De grands panneaux décoratifs créés par l’artiste ornent le grand salon des jeux, jusqu’à sa destruction pendant la Seconde guerre mondiale. Dans les années 1904-1908, Georges Ricard-Cordingley continue à peindre dans cette même veine, faisant quelques passages en Bretagne (Cancale) et en Normandie (Deauville). Le musée de Philadelphie acquiert “La Nuit, Cancale” en 1908.

Durant l’été 1906, l’artiste s’installe à Equihen, dans la villa L’Épave, plus proche encore de la mer et de la mémoire de Jean-Charles Cazin. Il y pratique dans ses temps libres quelques sorties en aéroplane, l’ancêtre du char à voile. En parcourant la Côte d’Opale, de Berck à Boulogne, en passant par Etaples, muni de sa palette et de sa boîte de couleurs, l’artiste produit beaucoup. Il livre de nombreuses vues portuaires, des retours de pêche avec leurs navires échoués sur l’estran, ainsi que des portraits de marins et de leurs familles, toutefois plus rares dans son œuvre. Doté d’un appareil photo portatif, l’artiste immortalise ses futurs sujets, des matelotes à l’ouvrage, des fillettes et des “margats” laborieux, toujours saisis avec sincérité et émotion. Ces clichés intimistes et ses nombreux carnets de dessins, pris sur le vif, nourrissent sa créativité et sa production artistiques en atelier. Dans ses croquis, l’usage du fusain s’impose pour retranscrire et animer les coups de vent, les vagues déchaînées et les bateaux bousculés par les flots démontés. Puis, paisiblement, quelques traits de couleurs crues s’installent sur le gris épais du crayon et subliment la scène par une lumière coruscante. Pierre Miquel parle alors du “Peintre des gris colorés”.

Après cette pause, Georges Ricard-Cordingley reprend ses voyages au long cours. En 1909, il rejoint l’Australie en passant par la mer Rouge, Djibouti et Singapour. A Sydney, il est reçu par le président du Sénat, puis passe à Melbourne. Il laisse sur place de nombreuses œuvres, notamment une vue du “Port de Sydney” acquise par l’État australien. L’année suivante, il expose à nouveau à Sydney à la Galerie de Castlereagh Street. A son retour en France, sa vie prend un nouveau tournant. A l’été 1911, il rencontre sur la plage de Saint-Tropez Suzanne Giraud-Teulon, fille de l’helléniste Albert Giraud-Teulon (1839-1916). C’est le coup de foudre. Après trois mois de fiançailles, le mariage est célébré le 16 septembre 1911 à Genève. Le 13 mai 1913, le foyer accueille la naissance d’une première fille, Eliane. L’artiste part alors vivre quelques mois à La Rochelle, auprès de sa belle-famille, et peint avec enthousiasme la cité et son port dans des tons toujours lumineux.

La guerre 14-18 interrompt brutalement la carrière de l’artiste qui, de santé fragile, se retrouve brancardier à Lyon. A l’écart du front, il y croque à l’envi son entourage et profite de sa belle-famille. Au retour de la paix, Georges Ricard-Cordingley accueille la naissance de son fils, Louis, né à Lyon en novembre 1918. Quelques mois après, il achète à Boulogne une grande maison au 144 boulevard Sainte-Beuve, face à la mer. La Villa René devient le lieu de résidence estival, quand la famille passe le reste de l’année à Neuilly-sur-Seine, pour la scolarité des enfants. Durant l’été 1919, il embarque sur le navire d’un certain Gobert, un patron de pêche de Le Portel. Le marin l’emmène au large “pour observer les bateaux plus entièrement, penser à la qualité du ton et ne pas dévier de l’ensemble.” Il lui prodigue même des conseils ! Un “Lever de Lune à Etaples” inspire cette pensée à l’artiste : “La lumière de la lune, influençant moins le ciel, laisse à celui-ci plus d’expression et d’immensité mystérieuse, faiblesse facile n’étant qu’un à peu près. […] Le rayonnement faible de la lune permet de retrouver la profondeur bleue et mauve du lointain.” En 1920, il s’installe quelques mois à Cannes sur la Croisette à la Villa des Enfants (aujourd’hui l’hôtel Majestic), et y donne quelques cours de peinture, les mercredis et jeudis, au 7 rue Châteaudun. Les finances sont favorables et lui permettent de côtoyer la bourgeoisie, friande de ses œuvres. En 1924, sa femme Suzanne donne naissance à une seconde fille, Gabrielle. La famille est au complet.

Puis, les voyages reprennent, s’enchaînent, avec Chypre, Malte, les Canaries et le Portugal (1925), puis le Maroc (1927 à 1934), le Lac Majeur (1928), le Pays basque et la Mer du Nord (1930). Trois années durant, de 1929 à 1931, le fruit de ces pérégrinations est exposé à la célèbre Galerie Georges Petit, rue de Sèze à Paris, des huiles et des aquarelles qui plaisent toujours autant. En mars 1935, ses œuvres sont montrées au Maroc, où l’artiste a su croquer des scènes et des personnages, saisissant parfaitement la lumière colorée et éblouissante de l’endroit. La Maison des Arts à Casablanca et le pavillon officiel de la Mamounia à Marrakech sont les écrins de son art. Le 2 décembre 1935, a lieu le vernissage d’une rétrospective à la galerie Borghèse, sur les Champs-Elysées à Paris. Devenu “peintre dandy” malgré lui, l’artiste s’installe à Mougins dès 1936 à la Maison Rose, une villa cossue, puis au Bois des Roches, et enfin à la villa Eden Parc au Cannet en 1938. Malgré la maladie de Suzanne, atteinte de sclérose en plaques, la vie familiale est douce et bourgeoise, retranscrite à travers les nombreux clichés que le couple prend pour illustrer ces moments heureux. En 1937, la Galerie Mona Lisa à Paris est la dernière à montrer son œuvre.

En janvier 1939, le peintre est toujours fidèle à l’Association des Beaux-Arts de Cannes et renouvelle sa cotisation en vue de nouvelles expositions. Mais, peu de temps après, Georges Ricard-Cordingley meurt subitement le 25 avril 1939 à Cannes d’une congestion cérébrale. Il se verra épargner les ravages de la guerre, la destruction de sa maison-atelier à Boulogne, la mort en 1942 de son fils Louis, engagé dans les Forces aériennes françaises libres, et enfin la disparition brutale de sa fille Eliane en 1945. Seule rescapée de ces années dramatiques, sa dernière fille Gabrielle leur survit jusqu’à la Noël 2018. Passionnée par la vie et l’œuvre de son père, nostalgique de ces belles années enchantées, elle écrit inlassablement et organise plusieurs expositions, à Menton (1981), au Touquet (1986), à Boulogne-sur-Mer (1989, 2000), à Brest et à Toulon (2007).

Georges Ricard-Cordingley est aujourd’hui présent dans les musées de Boulogne, Etaples, Le Touquet et Berck, dans les collections du département du Pas-de-Calais, au musée national d’Art Moderne et au musée de la Marine à Paris, sur la Côte d’Azur à Toulon, Menton et Cannes. A l’étranger, les musées de Sydney, Philadelphie, Londres, Saint-Pétersbourg (musée de l’Ermitage), Moscou et Casablanca conservent également des tableaux. L’artiste laisse de nombreux “papiers”, archives et réflexions intellectuelles sur son art et ses recherches. Grand navigateur, peintre de talent, ami de Claude Monet et de Paul Signac, Georges Ricard-Cordingley parvient à “fusionner les éléments fluides dans la dimension de l’espace, dans des tons chauds et suaves” pour illustrer la mer, le ciel et ses mirages. Indépendant et éloigné de toute École ou groupe d’artistes, sincèrement attaché à notre littoral, Georges Ricard-Cordingley s’inscrit aujourd’hui comme un des peintres majeurs de la Côte d’Opale.

Auteur : Yann Gobert-Sergent