Paul Bernard Morchain est né à Rochefort le 27 décembre 1876, d’une famille originaire de Cambrai. On connaît peu son enfance. Artiste délicat, Paul Morchain manifeste très jeune un goût marqué pour l’art pictural. Il suit les cours de Paul Dupuy à l’Ecole des Beaux-arts de Paris. Mais, hormis quelques conseils prodigués par Eugène Chigot lors de ses venues sur la Côte d’Opale, Paul Morchain travaille sans véritable maître. Il se partage entre la Bretagne (Douarnenez) et le Boulonnais, croquant surtout Boulogne et Equihen, notamment dans cette scène de calfatage prise à Equihen et présentée au Salon de 1910.
Paul Morchain vient à Paris pour exposer. Il débute au Salon des Artistes français en 1906, puis en 1909 obtient une mention honorable, suivie d’une médaille d’argent en 1913 et une médaille d’or en 1920. L’année suivante, il est nommé Peintre officiel de la Marine (1921). Paul Morchain devient un habitué de Douarnenez et de sa région. Il s’impose comme un peintre majeur du Pays Cornouaillais. Son style se situe dans la tradition de ces peintres locaux qui recherchent la vérité et l’atmosphère de la vie locale avec sincérité et qui rappelle l’approche et le style des peintres de Pont-Aven. Paul Morchain a su traduire avec charme tout le côté pittoresque spécial des côtes de la Manche, de la Bretagne ou des Charentes.
En 1929, il présente une rétrospective de son art à la galerie Dalpeyrat : « En ce moment, nous sommes conviés à visiter l’exposition du peintre Paul Morchain. Pour ceux qui sont sensibles aux titres, M. Paul Morchain pourrait faire état d’une très longue liste. Nous retiendrons qu’il est membre de la Société des Artistes français (hors concours) et peintre officiel du Ministère de la Marine. Ce sont des paysages marins qu’il nous a envoyés. Point d’outrances, mais la recherche des délicatesses et subtilités des atmosphères marines, un art vibrant de la vie quotidienne des ports de pêche avec leur population de marins et de barques. Un équilibre parfait de composition et de coloris, une science approfondie des gris, des gris chauds et aériens comme bien peu de peintres savent les peindre. Devant les toiles de Paul Morchain, je pense surtout à la Bretagne. Tout n’est point breton cependant. Les Quais sous la pluie à Dunkerque sont une chose très remarquable. La peinture marine tient une partie de ses charmes des variétés de coloris, des hasards de rapprochement de tons. Les voiles roses, rouges, vertes, ocres et blanches, les coques sombres incrustées de toute la lèpre de la mer, les reflets mouvants sur l’eau profonde sont autant de détails chers aux amants de la mer. Dans les derniers plans des études de M. Paul Morchain, des silhouettes de barque, vaisseaux fantômes, glissent dans la brume. Autre part, un sardinier sortant du port de La Rochelle, toutes voiles dehors avance au rythme allongé de son tangage, vibrant de lumière et de brise.
Comment ne pas remarquer Le Thonier solide sur l’eau, « culotté » par la mer et les tempêtes ?
C’est là de la bonne peinture, pittoresque et vivante ; elle le devient encore plus dans certaines études par temps gris où Paul Morchain peint avec une incontestable souplesse la brume en soie d’argent de l’océan, les forêts de mâts, l’envol des filets bleus, les quais humides et glissants de toutes les viscosités de la mer. Les marins garance, silhouettes crânes et robustes, poussent leur barque à la godille, se hissent sur le quai et grossissent les roupes où les événements de la pêche sont commentés. Ces groupes sont pleins de vie et d’animation. C’est une des raisons pour lesquelles la peinture de M. Paul Morchain est attachante et sensible. Le talent du peintre n’a d’égal que son amour de la mer et du port. » (La Vie limousine, mars 1929).
Paul Morchain a une carrière très remplie de salons prestigieux et d’expositions dans les galeries. Il expose au Salon des Artistes français à partir de 1906, au Salon de Rouen en 1925, au Salon de Bordeaux de 1909 à sa mort, au Salon de Lyon en 1914, au Salon de Nantes en 1909, au Salon de Dijon de 1932 à 1938, ainsi qu’au Salon d’Automne en 1921-1922.
Au Salon des Artistes français, il présente notamment :
- Le Bassin du Commerce à Boulogne-sur-Mer ; effet du soir en 1907,
- Brumes du soir ; Boulogne-sur-Mer et Marée basse ; Boulogne-sur-Mer en 1908 (deux œuvres),
- Retour de pêche ; Boulogne-sur-Mer en 1909,
- Les calfats en 1910,
- Bassin du commerce à Dunkerque ; soleil du soir en 1912.
Il accroche ses œuvres aux cimaises de la galerie Drouant à Paris en 1926, à la galerie Dujardin à Roubaix en 1928. Il expose dans la prestigieuse galerie Georges Petit à Paris en 1922, et surtout en 1927 lors d’une rétrospective avec quarante œuvres. En mars 1935 puis en février 1936, il présente un lot d’œuvres à la Nouvelle Galerie d’Art, rue Esquermoise dans le vieux-Lille, qui reçoit un bon succès.
Ses vues de Boulogne, essentiellement prises près des bassins et sur les quais, sont très bien saisies et justes, dans des gammes chromatiques lumineuses, de plus en plus modernes au fil de sa carrière.
En février 1929, il participe à la grande exposition « Les Fils de Tués » en compagnie du peintre Victor Dupont, installée à la galerie de la Palette Française sur le boulevard Haussmann à Paris. L’exposition rassemble les artistes combattants de la Première guerre mondiale, investis dans les tranchées ou « camoufleurs » pour les équipements à protéger.
Le 28 juillet 1931, alors qu’il se rend en voiture avec sa femme à Douarnenez, Paul Morchain rate un virage et fait une embardée. Son épouse, âgée de 45 ans, est gravement blessée par des éclats de verre à la gorge et succombe rapidement. Très affecté, Paul Morchain assiste à son enterrement à Douarnenez, accompagné de nombreux officiels. Paul Morchain meurt quelques années après, le 26 octobre 1939, à Rochefort.
Ses œuvres se trouvent dans de nombreux musées en France, notamment à Paris (Musée de la Marine), à Bordeaux, Rochefort et Douarnenez. Une rue porte son nom à Rochefort.
Auteur : Yann Gobert-Sergent