Paul Henri Graf naît Paul Henri Bonnissant le 2 décembre 1872 à Boulogne-sur-Mer d’Isabelle Marie Joséphine Bonnissant, couturière. En 1881, sa mère épouse Pierre Graf, plombier, qui donnera son nom à l’enfant d’Isabelle en le reconnaissant. Après sa scolarité primaire, il est élève dans l’atelier boulonnais des frères Blot en production de terres cuites. Paul Graf y voit naître sa vocation et, boursier, il intègre l’École municipale d’art de la ville en 1890 avec son ami le peintre Victor Dupont. Il se voit décerner alors deux médailles lors des concours annuels : une médaille d’argent de deuxième classe en 1891, suivie d’une médaille de première classe l’année suivante. En 1893, il poursuit son éducation à l’École des Beaux-Arts de Paris, où il étudie auprès des sculpteurs et médailleurs Gabriel-Jules Thomas et François-Joseph-Hubert Ponscarme.
Dès 1892, il participe activement au Salon des Artistes français, y envoyant un buste en plâtre représentant le lieutenant-colonel Attelin. Ses œuvres sont régulièrement exposées à Paris, mais seulement à deux reprises à Boulogne-sur-Mer : en 1893 et en 1903 (6 médaillons). Impliqué dans la vie artistique de Boulogne-sur-Mer, il expose également ses créations dans divers commerces de la ville. En 1891, on peut admirer son buste de M. Dewisme dans les vitrines de M. Thuillier. En 1894, un plâtre représentant un jeune homme au torse légèrement renversé et au bras levé est exposé chez M. Vibert, rue Faidherbe.
En 1895, il est officiellement admis au Salon des Artistes français, grâce à son buste du docteur Duchenne. Pour satisfaire la bourgeoisie locale, Paul Graf participe à de nombreuses réalisations de monuments funéraires, à travers des éléments de décorations ou des bustes. Lors de l’inauguration d’un monument en octobre 1901, la presse locale apprécie son travail : « Quand le voile qui recouvrait le buste surmontant le monument eut été enlevé et que la physionomie si caractéristique du spirituel caricaturiste de l’Index apparut aux regards des assistants, il n’y eut parmi eux qu’une exclamation pour en reconnaître tout à la fois le cachet éminemment artistique et surtout la parfaite ressemblance. Son buste compte au nombre des mieux réussis que possède notre grande nécropole boulonnaise ».
La ville de Boulogne-sur-Mer fait également appel à lui à deux reprises pour la création de monuments publics. En 1911, il réalise l’Aigle qui orne le monument dédié au capitaine Ferber (visible sur le quai du port). Après la Première guerre mondiale, il sculpte la Vierge nautonière de la Porte des Dunes, statue de Notre-Dame de Boulogne, commandée en 1924 par Monseigneur Lejeune et la municipalité, destinée à remplacer une statue de chêne en mauvais état. A ce sujet, Émile Langlade raconte : « cette porte était surmontée d’une niche sans caractère où avait été placée une image de la Vierge miraculeuse, qui, selon la légende, aurait abordé au temps du Roi Dagobert sur la côte boulonnaise, dans un canot conduit par des Anges, scène dont Francis Tattegrain a tiré la composition délicieuse qui se trouve dans la Cathédrale de Boulogne. Mais l’image de la porte des Dunes était fort grossière. Un archéologue des plus érudits, M. Camille Enlart, dessina donc une arcade en tiers point et l’image sans valeur de la Vierge de Boulogne fut avantageusement remplacée en septembre 1926 par une belle statue sculptée par Paul Graf, et qui est tout à fait une œuvre de style ».
Ce ne sont pas ses seules contributions dans le domaine des statues publiques. En 1901, il reçoit une commande de l’État pour la création de deux bas-reliefs allégoriques : l’un représentant l’Architecture et l’autre l’Archéologie. Deux ans plus tard, l’État lui passe à nouveau commande de deux bas-reliefs allégoriques, cette fois-ci représentant la Peinture et la Sculpture. Ces deux dernières œuvres sont ensuite exposées au Salon des Artistes français en 1904. En 1909, il y envoie un bas-relief en bronze intitulé Métallurgie et le buste en bronze de M. Vincent, maire de Desvres. Enfin, en 1923, l’État lui confie la réalisation d’une statue destinée à embellir le Pavillon Marsan à Paris. Pour cela, il crée d’abord un modèle en plâtre représentant le général Damrémont, qui est ensuite transposé dans la pierre.
En marge de cette production, Paul Graf s’allie à des fondeurs parisiens jusqu’en 1913 pour produire de petites pièces en bronze figurant des sujets religieux ou régionalistes, vendues à petit prix, pour les particuliers et les lieux de culte. Mais surtout, il envoie au Salon des Artistes français de 1907 « un buste petit et lourd de sa Boulonnaise au châle croisé » intitulé Zabelle (Les Rosati, juin 1907). Cette figure allégorique est utilisée plus tard par René Bazin dans son roman maritime populaire Gingolph l’Abandonné publié en 1914. Puis, quelques années après, cette emblématique Boulonnaise est reprise en 1923 pour la création des Géants de la ville Batisse et Zabelle.
Mais la plus émouvante des œuvres de Paul Graf s’intitule Après la Tempête. Exposée en 1912, « elle représente une femme et une fille de marin qui, les yeux pleins d’angoisse, fouillent l’horizon de la mer inquiétante. Le vent souffle encore violent et rageur bien que déjà il s’apaise. Mais au loin, pas une voile en mer. L’homme ne reviendra pas. Et ces femmes demeurent le cœur épouvanté devant la puissance de l’Océan redoutable et la profondeur de l’abîme où sombrent les morts. Le sujet n’est pas un sujet de fantaisie. Il a été croqué par l’artiste, qui au lendemain d’une tempête, ayant gravi les pentes de la Beurrière, qui mènent à ce terre-plein où l’on a érigé le Calvaire de Boulogne, se trouva en présence du motif de son œuvre. C’est une scène vécue. Dans les ports de pêche, elle est commune : La famille sait, a dit Michelet, qu’elle est nourrie des hasards de cette loterie de la vie, de la mort de l’homme. Quant à la femme du pêcheur, dont Paul Graf a reproduit l’attitude d’une façon si émouvante, elle veut espérer encore et pourtant elle n’attend plus rien de cette immensité où se culbutent les vagues écumeuses » (Émile Langlade, 1929). Réalisée en marbre blanc, l’œuvre entre dans les collections du musée de Boulogne en 1913, semble perdue lors du bombardement de 1918, mais finalement retrouvée. Aujourd’hui le marbre restauré est visible au musée de Boulogne-sur-Mer, depuis mars 2023, dans le Petit Salon.
L’artiste envoie ses œuvres au Salon des Artistes français dès 1893, des bustes en plâtres des maires de Boulogne (docteur Aigre), notamment un buste en plâtre d’Henri Malo (1899), des médailles et plaquettes en bronze doré, des bustes en bronze de gens célèbres et enfin des groupes fondus, figurant des allégories de plus ou moins grande taille. Paul Graf est très présent sur le territoire grâce à des commandes publiques et à de nombreux monuments aux morts, réalisés suite à la Première guerre mondiale :
- Andlau : Monument au docteur Alexis Stoltz, 1901.
- Boulogne-sur-Mer :
- digue Sainte-Beuve : Monument au capitaine Ferber, 1911, bronze.
- Poste des Dunes : vierge et anges, groupe.
- hôtel des Postes : décoration de la façade.
- Calais : La Musique et La Poésie, deux statues ornant la façade.
- Carmaux, square Gabriel-Bousquet : Mineur, ou Monument aux victimes du travail, 1925, statue en bronze .
- Clermont-Ferrand : La Sculpture et la Peinture et L’Architecture et l’Archéologie, deux hauts-reliefs en marbre ornant la façade.
- Monument aux morts de Courcy.
- Paris :
- Le Sacré-Cœur, statue, église Saint-Pierre.
- Un groupe en bronze à l’église de la Sainte-Trinité.
- hôtel du service de la Garantie, 14 rue Perrée, décoration de la façade, 1925.
- Louvre : Damrémont, 1924, statue en pierre.
- Monument aux Morts de Nissan-lez-Ensérune – 1920 – Pierre de Taille
- Saint-Étienne, hôtel des anciens élèves de l’École des mines :
- La Science et Le Travail, haut-relief ornant le fronton.
- La Mine et La Métallurgie, deux hauts-reliefs sur la façade.
- Saint-Restitut, Métallurgistes au travail, vers 1938, bas-relief en pierre de Lavoux.
- Terrasson-Lavilledieu, Monument aux mort.
Paul Graf est nommé officier d’Académie le 5 février 1903, puis officier de l’Instruction publique le 23 octobre 1909. Enfin, il reçoit la Légion d’Honneur en janvier 1936 au titre de chevalier.
Paul Graf meurt le 10 février 1947 à Terrasson-Lavilledieu en Dordogne.
Auteur : Yann Gobert-Sergent