Charles Émile Joseph Roussel voit le jour le 16 février 1861 à Tourcoing, dans le département du Nord, du mariage de Joseph François Roussel et d’Aimée Amélie Joseph Castelain. En 1925, il se marie dans le 14ème arrondissement de Paris avec Simone Eugénie Filiatre, née à Boulogne-sur-Mer.
En 1877, Charles Roussel entre à l’école académique et obtient des distinctions. Deux ans plus tard, à l’âge de 18 ans, il entre à l’Académie des Beaux-Arts de Lille, où il étudie sous la direction du peintre Alphonse Colas. Ensuite, il devient élève aux Beaux-Arts de Paris dans l’atelier d’Alexandre Cabanel jusqu’en 1886, puis continue son enseignement avec Jean-Joseph Weerts.
Au début des années 1880, Charles Roussel effectue quelques voyages en Pays Basque, en Italie, en Espagne et dans le sud-ouest de la France. Après un séjour à Pont-Aven en 1886, il s’installe à Berck, où il est conseillé par son maître et ami Francis Tattegrain. Les journalistes de l’époque notent leur affinité et en 1899, lors d’un punch offert en l’honneur de la distinction obtenue par Tattegrain au Salon, le maire de Berck associe Charles Roussel dans son discours, affirmant que « M. Roussel lui aussi est berckois…». Par ailleurs, Charles Roussel conserve dans son atelier le portrait que Tattegrain a réalisé de lui en quarante minutes.
À l’instar de nombreux artistes qui se sont rassemblés autour de Berck, tels que Francis Tattegrain, Ludovic-Napoléon Lepic et Marius Chambron, Roussel a observé les pêcheurs et les pêcheuses – avec lesquels il a établi des relations amicales – en suivant leurs routines quotidiennes : préparation de la journée de travail, prière avant la pose des filets, départ pour la pêche au hareng et au maquereau, retour avec la prise de la journée, et enfin nettoyage et pliage des filets en prévision du lendemain matin. D’une manière presque cérémoniale, l’artiste a suivi leur progression tout au long de la journée, surtout pendant la grosse saison de pêche automnale.
Charles Roussel fait comprend l’âme des pêcheurs, fait preuve d’une empathie pour leur labeur rustique. Il refuse d’idéaliser ou de romancer leur vie, créant des compositions avec un souci scrupuleux de vérité et de sincérité expressives. Le modelage solide et sobre des personnages leur confère une dignité et une noblesse tranquilles, proches de l’atmosphère des « Tailleurs de pierre » de Courbet ou des « Glaneuses » de Millet. Il ignore effectivement le mélodrame théâtral, mais sa sobriété n’est pas sans émotion. Sa manière d’évoquer la lassitude d’un visage, la tension douloureuse d’une pose, la fatigue d’un geste, illustre une empathie discrète mais véritablement sincère.
Si les scènes de pêche de Charles Roussel témoignent d’une grande attention aux détails réalistes, l’artiste a également créé des œuvres impressionnistes composées de juxtapositions de formes et de teintes. En effet, à partir de 1889, Roussel réalise une série de peintures explorant les effets de la lumière et de l’atmosphère. Dans ces images, le soleil, le ciel et l’eau deviennent le sujet principal, tandis que les silhouettes et les bateaux transparaissent à travers les jeux de lumière. Du spectacle grandiose d’un coucher de soleil à l’humble mélancolie d’un matin brumeux, Charles Roussel a capturé la mer avec toutes ses facettes et ses humeurs. Son coup de pinceau fluide et actif et ses nuances tonales ont donné naissance à des compositions d’une grande fraîcheur et d’une grande spontanéité, soulignant la beauté discrète de sa ville côtière d’adoption. Homme humble et modeste, Charles Roussel n’était pas inspiré par les titres et les honneurs, mais par le simple plaisir de son métier. Il gardait ses toiles avec un soin jaloux, hésitant à les montrer car, comme tous les vrais talents, il n’était jamais satisfait de ce qu’il produisait. (Le Magasin Pittoresque, 1913).
Néanmoins, les visions expressives et poétiques de Charles Roussel lui valent une solide réputation dans toute l’Europe et attirent de nouveaux collectionneurs en Amérique. En 1887, il commence ce qui deviendra une participation de 48 ans au Salon annuel des artistes français, en exposant l’une de ses œuvres les plus importantes, « Les Apprêts pour la Pêche », aujourd’hui conservée au musée des Beaux-Arts de Tourcoing. Les apparitions de Charles Roussel au Salon sont toujours suivies avec enthousiasme et donnent lieu à une impressionnante succession d’expositions dans le pays et à l’étranger, notamment l’Exposition universelle de Saint-Louis (1904), Saint-Pétersbourg (1904), Buenos Aires (1909) et le Salon des Tuileries à Paris (1907-1908).
Sa première exposition personnelle présentant 109 tableaux a lieu en 1906 à la Galerie des Capucines, à Paris : succès critique et commercial. Dès lors, elle aboutit à la vente d’une de ses œuvres à l’État et à des acquisitions par de grands musées français. Populaire malgré lui, Charles Roussel est salué comme un artiste sensible et expressif « dont la technique originale et personnelle mérite l’admiration des connaisseurs. » (Journal de Berck, 23 novembre 1930).
Avec la mort de Charles Roussel en 1936, la France perd un homme à la vision unique, qui a réussi à capturer un lieu et une époque comme aucun autre artiste. Après sa mort, l’artiste s’est quelque peu effacé de l’attention du public, avant de connaître un regain d’intérêt et d’expositions dès 1961, à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance.
Charles Roussel réalise l’essentiel de sa carrière à Berck et y décède le 16 mars 1936.
Auteur : Yann Gobert-Sergent