Frits Thaulow (1847-1906) – un Norvégien de passage dans le Boulonnais

Petit-fils du peintre Henrik Arnoldus Thaulow, Frits Thaulow est né le 20 octobre 1847 à Christiana en Norvège. Il est considéré comme un des pionniers de la peinture naturaliste norvégienne. Élève à l’académie de Christiana, à Oslo, puis à l’académie de Copenhague entre 1870 et 1872, il rêve alors à une carrière de peintre de marines. Dans ce but, il passe alors deux hivers à étudier avec le paysagiste norvégien Hans-Fredrik Gude (1825-1903) en Allemagne.

Après 1872, il renonce définitivement à ses études de pharmacie et part suivre les cours à l’Académie des beaux-arts de Copenhague, où il est l’élève du peintre danois C. F. Sorensen. En 1874 , il épouse Ingebord Gad, belle-sœur de Paul Gauguin. Alors que son beau-frère, Paul Gauguin, peint comme les Impressionnistes, Thaulow n’a pas encore assimilé la leçon des peintres de Barbizon. Il préfère à Manet des peintres comme Jules-Bastien Lepage ainsi que d’autres Réalistes français à la facture plus académique. Nomade impénitent, Frits Thaulow effectue de nombreux voyages en Norvège, en Danemark, en Suède, en Hollande, à Londres, à Karlsruhe, à Philadelphie et à Paris où il revient chaque année. Il voyage sur son bateau personnel en Norvège et en Danemark.

Dès lors, les premières toiles que Thaulow expose au Salon entre 1877 et 1880 ne connaissent qu’une faible adhésion du public parisien. Mais, très vite, le romantisme de sa première manière évolue vers un réalisme sentimental influencé par la peinture française qu’il fait découvrir à ses amis artistes nordiques. Très actif, il a sa part dans le succès à Paris de l’école scandinave, dont Peder Kroyer. De retour à Oslo, il encourage le jeune Édouard Munch, qu’il protège contre un public peu accueillant. De 1888 à 1892, Thaulow peint des scènes de plein air à travers toute la Norvège. Divorcé depuis 1883, il se remarie avec Alexandra Lasson en 1886. Juré de l’Exposition universelle de 1889, Frits Thaulaw participe à la création de la Société Nationale des Beaux-Arts en 1890. En 1892, il s’installe en famille en France et séjourne souvent à Dieppe. En 1897, l’artiste signe un important contrat d’exclusivité avec la fameuse galerie Georges Petit à Paris. la même année, il reçoit une médaille de deuxième classe à Pittsburgh.

Au printemps de 1892, Frits Thaulow et sa seconde épouse, la décoratrice Alexandra Thaulow, s’arrêtent par hasard sur le chemin de Paris, à la gare de chemin de fer d’Étaples. « Arrêtons-nous ici pendant deux heures », proposa Alexandra. Les nouveaux arrivants ne tardent pas à découvrir sur la Grand-Place l’hôtel d’Antoine loos et la petite colonie d’artistes qui s’y est installée. La convivialité naturelle du couple Duhem invite la famille norvégienne à les héberger dans le village voisin de Camiers, dans leur longère champêtre. C’est ainsi que les Thaulow demeurent six mois dans le Boulonnais, se liant avec tous les peintres travaillant sur place : « Une bande de jeunes et joyeux artistes, se souviendra Alexandra, dont la plupart devinrent des amis pour la vie. » D’une quinzaine d’années l’aîné de ses camarades, Thaulow est un véritable Scandinave protecteur de la nature, adepte du camping, voyageant sans cesse à pied, à bicyclette, en train ou en voilier.

Parce qu’il chérit la peinture française, il était venu pour la première fois à Paris en 1874, assister notamment à la première exposition impressionniste. Peu à peu, son style s’affirme, ses paysages de neige, ses lits de rivières commencent à ravir le public français. Par un échange d’études dédicacées, ce sympathique géant aux yeux clairs, plein d’humour, réfractaire aux idéologies, scelle avec Henri Le Sidaner une bonne amitié. « Un ami, écrivit-il à Auguste Rodin, un jeune Français qui est l’un des hommes les plus doués, les plus intelligents et les plus nobles que je connaisse, de l’honnêteté duquel il m’est impossible de douter. » (Derniers Impressionnistes, Yann Farinaud-Le Sidaner).

Frits Thaulow peint Camiers, des scènes de moisson et Camiers la nuit, l’un des nombreux tableaux nocturnes accompli dans la technique du pastel, diffusant l’extraordinaire lumière d’une nuit d’été. La découverte de Montreuil incite le peintre à traduire dans ses toiles les eaux miroitantes de la Canche, à l’image de son maître incontesté, Claude Monet. Thaulow peint aussi Le Moulin de Montreuil-sur-Mer, d’une mise en page audacieuse.

Après avoir traité des sujets paysagers avec un pleinairisme très apprécié en Scandinavie, Thaulow s’oriente vers un impressionnisme proche de Whistler. Son exécution brillante est très appréciée du public – Rodin échangera des marbres contre ses tableaux – et de nombreux amateurs comme Edmond Rostand et Sarah Bernhard. Jouissant d’une véritable reconnaissance, il mène une vie mondaine. On le retrouve en août 1900 sur la Côte d’Opale, où il affine sa technique près des rivières et des rives de la baie d’Ambleteuse. Surprenante par sa grande liberté de facture, la peinture de Thaulow parvient à animer les miroitements des eaux sur la surface de la toile.

Frits Thaulow meurt d’une embolie pulmonaire en plein succès, à Édam aux Pays-Bas, le 5 novembre 1906. Les œuvres du peintre norvégien figurent dans les musées de Bordeaux, Berlin, Leipzig, Rouen, Stockholm, ainsi qu’au musée Rodin à Paris, et enfin dans le Nord, aux musées du Touquet et du département du Pas-de-Calais (Maison du Port). Rétrospectives au musée Rodin en 1994 et au musée des Beaux-Arts de Caen en 2016.

Auteur : Yann Gobert-Sergent