Boulogne-sur-Mer – un siècle de vues portuaires

Boulogne-sur-Mer a inspiré de nombreux artistes, amoureux de ses falaises et de son chenal. On trouve des gravures, parfois colorisées, montrant la côte et les abords de la ville dès le Moyen-Age. Il faut attendre Nicolas Ozanne (1828-1811) et sa Vue de Boulogne prise de la jetée du Pidou, commandée par le roi Louis XV en 1776, pour avoir une première vue complète de la ville portuaire et de ses activités : la pêche, la construction navale et surtout la contrebande avec les Anglais (smogglage), représentée à travers cette barque figurée au premier-plan.

Plus tard, après les guerres de Révolution et l’épopée napoléonienne, le port de Boulogne se relève doucement. Les infrastructures portuaires sont alors vraiment réduites à la portion congrue. Aussi, il est courant de voir les bateaux de pêche s’échouer à l’entrée du havre pour vendre le produit de leurs pêches directement sur l’estran. Richard Parkes Bonington (1802-1828), adepte de la lumière et influencé par Turner, traduit cette belle ambiance dans ce Marché aux Poissons à Boulogne de 1823 (musée du Connecticut).

Dans son Inauguration de la ligne Boulogne-Folkestone, août 1843, la peintre Julie Gobert (1815-1859) livre un large panorama de la ville portuaire sous le Second Empire. Au-delà des qualités picturales maîtrisées qui lui permettent de figurer au Salon de Paris, Julie Gobert montre les équipements portuaires et les principaux bâtiments de la ville. Les deux jetées sont construites et permettent, enfin, aux navires d’atterrir à Boulogne en toute quiétude. A gauche, nanti de ses colonnes alignées telles un temple grec, l’établissement des bains confirme l’engouement croissant des Anglais et de la bourgeoisie pour les bains de mer.

Quinze années plus tard, Edouard Manet (1832-1883) est de passage à Boulogne. Il fréquente souvent la Côte d’Opale l’été, en famille, en passant par Berck et Boulogne, où il peint son fameux Balcon montrant Berthe Morisot et Antoine Guillemet. Dans Le départ du vapeur Folkestone de 1869 (musée de Philadelphie), Edouard Manet décrit son embarquement à Boulogne à bord d’un steamer, un petit paquebot équipé de roues à aubes, pour passer quelques jours outre-Manche. Il représente à gauche, en robe de crinoline blanche, protégée d’une ombrelle, Suzanne sa compagne bien-aimée.

Dans les années 1890, les deux activités maritimes boulonnaises sont bien installées. Les pêches, notamment celle du hareng, occupent une foule de navires à voile, garés le long du quai, surplombé par l’église Saint-Pierre, paroisse des marins. Dans Le port de Boulogne, Augustin Marcotte de Quivrières (1853-1907), fraîchement nommé Peintre officiel de la Marine, livre également l’autre grande animation du port : le trafic transmanche. Arborant fièrement ses deux cheminées blanches, un steamer attend ses passagers massés sur le quai pour traverser la Manche. En cinquante ans, le nombre de touristes anglais venant en villégiature à Boulogne a été multiplié par cinq, avec près de 150.000 visiteurs chaque année pour l’établissement des bains et son casino.

Auteur : Yann Gobert-Sergent