Marie Cazin (1844-1924) – peintre et sculptrice intimiste

Marie Clarisse Marguerite Guillet est née le 19 septembre 1844 à Paimbœuf, dans une famille d’artistes. Son père Louis Claude Aristide Guillet est peintre et dessinateur, et sa mère Clarisse Marie Brault peint également. Marie Cazin est tout d’abord élève de Juliette Peyrol (1830-1891), la sœur de la fameuse Rosa Bonheur (1822-1899), à l’École de dessin de Paris, puis elle suit les cours du peintre Jean-Charles Cazin (1841-1901), qu’elle épouse finalement quelques temps plus tard en 1868.

Le mariage avec un artiste connu facilite l’accès aux Salons, limite les critiques et renforce le mécénat de la bourgeoisie. De cette union, naît Michel Cazin, peintre et graveur. Après la mort de son mari Jean-Charles Cazin en 1901, Marie Cazin quitte progressivement Paris pour revenir à Equihen dans la grande maison-atelier du couple, perchée sur la falaise (disparue lors de la Seconde guerre mondiale) : « Marie Cazin, ayant gardé son originalité propre auprès de son illustre mari, désirerait avoir les moyens de renoncer à son atelier de Paris pour s’installer définitivement à Equihen où l’existence est moins dispendieuse qu’à Paris« . (Léonce Bénédite).

À partir de 1876, Marie Cazin fait ses débuts au Salon des Artistes français en tant qu’artiste peintre. Elle présente initialement des paysages, des études d’animaux et des figures, notamment des œuvres telles que Étang de Picardie (1876), Village de pêcheurs (1877), Ânes en liberté (1880), et Convalescence (1886). Par la suite, à partir de 1882 avec Tristesse, l’artiste se tourne vers la sculpture, travaillant avec divers matériaux tels que le bronze, le plâtre et le grès coloré. En 1883, elle expose un buste en bronze grandeur nature intitulé David. Son œuvre la plus célèbre, Les Jeunes filles, un groupe en bronze, est dévoilée en 1886 et acquise par l’État en 1899, pour être conservée au musée du Luxembourg à Paris. Elle crée également le buste en bronze La Fortune en 1883.

À partir de 1890, elle présente ses créations au Salon de la Société nationale des Beaux-arts, devenant sociétaire en 1891, ce qui témoigne de la reconnaissance de son statut professionnel. Parmi ses expositions notables figurent La Science et la Charité (1893, groupe en bronze) et une statue de Jean-Charles Cazin (1904). Elle prévoit également de réaliser un monument intitulé La Nature en hommage à son mari, décédé brutalement en 1901.

Les œuvres artistiques de Marie Cazin, réalisées de manière régulière entre 1876 et 1914, reflètent l’influence de ses engagements sociaux associés à sa vie personnelle. Plusieurs de ses créations mettent en évidence sa préoccupation pour la condition des femmes dans leurs rôles les plus modestes, à une époque où les femmes artistes s’émancipent regroupées à l’Union des Femmes Peintres de Virginie Demont-Breton. Parmi ses œuvres socialisantes, on peut citer les tableaux Oubliées montrant deux pauvres femmes et leur enfant posés sur un banc (musée de Tours, 1890), Femme de Marin (bronze, musée d’Orsay) et Vie obscure (1901), ainsi que les bas-reliefs en bronze (1893) intitulés L’Étude et La Charité (ou Visite à l’accouchée).

En tant que belle-sœur du docteur Henri Cazin, un spécialiste des maladies osseuses infantiles, elle est également l’auteure du Monument aux docteurs Cazin et Perrochaud à Berck (1893), représentant la Science et la Charité soignant un jeune garçon. En raison de ses liens avec les familles Adam et Perrochaud, elle a également créé des monuments destinés aux sépultures de ces familles à Outreau et Boulogne-sur-Mer (cimetière de l’Est). Pour honorer la mémoire de son mari, elle réalise plusieurs bustes et statues le représentant, ainsi qu’un ensemble monumental érigé sur sa tombe au cimetière de Bormes-les-Mimosas, dans le Var.

« Mme Marie Cazin — qui sculpte comme elle peint, avec un grand charme de rêverie et d’intimité — expose un groupe en bronze : la Science et la Charité, complété par un bas-relief également en bronze : les Enfants de l’hôpital de Berck. Ces deux ouvrages, qui font partie d’un monument élevé par souscription à la mémoire des docteurs H. Cazin et P. Perrochaud, seront très remarqués. » (Le Rappel, 1893).

Après la mort précoce de son fils Jean-Michel en 1917, Marie Cazin s’éteint seule à Equihen en 1924. Elle est enterrée à Boulogne-sur-Mer. L’atelier du couple Cazin est rasé durant la guerre 39-45, et le musée qui leur est consacré à Samer, pillé. Aujourd’hui, ses œuvres s’avèrent rares et recherchées.

Auteur : Yann Gobert-Sergent